Ouattara n’est pas le père de la mort de l’article 35 : de Marcoussis à nos jours en passant par Koulibaly et Mme Gbagbo

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L’article 35 de la constitution relatif entre autres aux conditions d’éligibilité est perçu par des partisans du NON, comme la voie ouverte au bradage du pays, au motif qu’il peut permettre à n’importe qui d’être candidat dans le pays.

Des commentaires au sujet de la nouvelle mouture de l’article 35 et des probables implications et bénéficiaires… on aura tout lu tout entendu, sauf la vérité. À travers les lignes qui suivent Edgar Koffi apporte son éclairage. Voici l’histoire de l’article 35.

Dès lors qu’il a été élu deux fois président de la République, la modification de l’article 35 dans le cadre de surcroît d’une nouvelle Constitution, aurait été sans objet, s’il n’avait pas en tête, l’idée de postuler pour un troisième mandat soutiennent les adversaires du Président Ouattara qui appellent à voter « non » au référendum ou simplement à s’abstenir de voter.
Et, pourquoi une nouvelle Constitution si ce n’est que pour remettre les compteurs à zéro et permettre sa troisième candidature, renchérissent-ils ?
Entendu que la loi ne disposant que pour l’avenir, nul ne saurait, dès l’adoption de la nouvelle Constitution, et, en l’absence dans celle-ci de toute disposition transitoire prenant en compte les mandats acquis sous l’empire de la Constitution de 2000, soutenir valablement que le Président Alassane Ouattara a déjà fait deux mandats et qu’il serait pour cette raison devenu inéligible à la présidence de la République.

Ces allégations qui paraissent pertinentes ne le sont seulement qu’en apparence, car contredites au fond par l’histoire constitutionnelle de notre pays et plus particulièrement par celle tumultueuse de l’article 35, au centre des débats.

Pourquoi la modification de l’article 35 intervient maintenant alors qu’elle aurait dû (ou pu) se faire avant l’élection de 2015, s’interrogent les adversaires du Président Ouattara.
Ceux qui militaient pour la modification de l’article 35 avant l’élection s’appuyaient sur la décision présidentielle n°2005-01/ PR du 05 mai 2005, qui a édulcoré les conditions d’éligibilité à la présidence de la République édictées par l’article 35 de la Constitution.

Cette décision ont-ils soutenu ayant au demeurant, elle-même limité ses effets, à la seule élection de sortie de crise tenue en 2010, c’était donc, à bon droit qu’à l’approche du scrutin présidentiel de 2015, qu’ils ont rappelé au bon souvenir de tous, la question de la modification de l’article 35.
En homme politique bien avisé, Alassane Ouattara avait de sérieuses raisons de refuser cette modification lorsqu’à la veille de l’élection, l’opposition en avait fait son cheval de bataille.

Primo plusieurs résolutions de la Conférence des chefs d’État de la Cedeao exhortent les gouvernants à n’entreprendre aucune modification des Constitutions de leur pays, à l’approche des élections. Le Président Ouattara qui a dirigé cette organisation aurait été mal venu de vouloir changer les règles du jeu à la veille des élections générales dans son pays.

Deusio le Président Ouattara aurait donné raison à ceux qui, le président Gbagbo en tête, soutenaient que l’article 35 était rédigé contre lui, et avait été inséré dans la loi fondamentale pour mettre fin à son ambition d’être candidat à l‘élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Il aurait désavoué ses propres partisans qui soutiennent que si leur mentor est visé par cette disposition, elle ne le concernait parce que le juge civil seul compétent de par la loi à juger qui est ou n’est pas Ivoirien, n’a jamais remis en cause sa nationalité par une décision ayant acquis autorité de chose jugée. Ils ont rappelé que la fameuse décision de Tia Koné qui a écarté sa candidature en 2000, n’avait d’effet que pour l’élection de 2000, sans aucune incidence pour les autres élections.

Dans ces circonstances, pour eux, l’article 35 de la Constitution pouvait demeurer en l’état, sans que cela ne nuise à la candidature d’Alassane Ouattara. Le Conseil constitutionnel par d’autres moyens est parvenu à la même conclusion, quand il a validé la candidature du Président Ouattara, à l’élection de présidentielle de 2015.

Tertio le Président Ouattara aurait, s’il avait fait droit à une révision de l’article 35 comme le souhaitaient ses adversaires, envenimé, à la veille de l’élection présidentielle, la polémique politique sur la question très sensible de la citoyenneté.
Il aurait donné une occasion à ses opposants de se coaliser contre lui, eux, qui auraient, faisant fi de leur signature apposée au bas des accords de Marcoussis-Kleber, par simple calcul électoraliste, appelé à voter « non » à une révision de l’article 35. Il n’a pas refusé la révision mais l’a ajourné à l’après- élection.

Advenu donc l’occasion propice de donner dans la sérénité suite à un engagement international de la République de Côte d’Ivoire, les adversaires de Ouattara Alassane rechignent et crient au voleur !

Ils soupçonnent le Chef de l’État de vouloir un troisième mandat, l’accusant d’avoir unilatéralement fait sauter le verrou de la limite d’âge du candidat, posé à l’article 35 de la Constitution de 2000, lequel verrou l’aurait handicapé en 2020 dans le cas où. Il s’agit là d’une contre-vérité lorsque même par un concours de circonstances favorables, le Président Ouattara pourrait en profiter.

Si M. Koulibaly Mamadou peut se targuer, pour avoir déserté – comme il s’en donne désormais à cœur joie dans d’autres circonstances – la conférence de Marcoussis , de ne pas se sentir moralement lié par ses conclusions, son ex-parti, ses ex-camarades du FPI dont Sangaré Abou Dramane, le FPI, ses ex-parlementaires et l’ex-président, Gbagbo Laurent, en personne, peuvent-ils raisonnablement ignorer les engagements – qu’ils ont – contractés à Marcoussis, entérinés et endossés par la Conférence des Chefs d’État et des Organisations internationales (ONU, UA) de Kleber ?

C’est à Marcoussis qu’a été, d’accord parties, rédigé en janvier 2003, l’article 35 tel qu’il figure désormais mot pour mot dans le projet de Constitution de la troisième République (article 55).

Il convient de signaler afin que nul n’en ignore que courant décembre 2004, l’ex-Président Gbagbo Laurent a déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale un avant-projet de révision de l’article 35 sous sa mouture de Marcoussis, lequel avant-projet a été pris en compte le 17 décembre 2004 par l’Assemblée Nationale pour l’avoir dûment voté et sacré projet de révision constitutionnelle.

Il figure au rang des minutes de notre Parlement où les Saints Thomas peuvent, pour se convaincre de l’inanité de leurs propos aller le consulter.

Et ce projet de l’article 35 présenté par le président Gbagbo est libellé comme suit :
« Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois. Le candidat doit jouir de ses droits civils et politiques et être âgé de trente-cinq ans au moins. Il doit être exclusivement de nationalité ivoirienne né de père ou de mère Ivoirien d’origine. »

Le projet du Président Ouattara se lit comme suit :
« Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois. Il choisit un vice-Président de la République, qui est élu en même temps que lui. Le candidat doit jouir de ses droits civils et politiques et être âgé de trente-cinq ans au moins. Il doit être exclusivement de nationalité ivoirienne né de père ou de mère Ivoirien d’origine. »

Sur quoi donc se fondent ces accusations et ces imputations gratuites qui fusent de partout et veulent montrer qu’il y a eu une modification unilatérale de l’article 35 par le Président Ouattara.

On entend crier qu’il y a anguille sous roche ou tout simplement un plan commun Bédié-Ouattara de confiscation par tous moyens du pouvoir d’État !

Mais en réalité, la nouvelle mouture de l’article 35 ( décriée comme ouvrant la voie aux « débiles » et aux « gagas » de devenir Chef d’Etat) c’est-à-dire, l’ancien article 35 élagué du verrou de la limite d’âge et des dispositions ayant trait au bien-être physique et mental du futur candidat à la présidence de la République, ne profite pas seulement à Alassane Ouattara comme veulent le faire accréditer les fondamentalistes de tous bords, mais bien plus à Gbagbo Laurent dont ils espèrent ardemment le retour.

À droit constant, le probable futur candidat Gbagbo aurait été aussi pénalisé. En octobre 2020, il aurait 75 ans révolus. Qui, au surplus, ne souvient pas de la jurisprudence Konan Bédié Aimé Henri ? Exilé en France à la suite au coup d’Etat militaire qui l’a renversé, en décembre 1999, l’ancien Chef d’État avait fait, depuis la capitale française, acte de candidature à l’élection présidentielle d’octobre 2000. Au nombre des pièces exigées par l’article 35 de la Constitution pour accompagner toute déclaration de candidature à l’élection présidentielle, figurait un certificat médical délivré par un collège de médecins assermentés siégeant à Abidjan. Aimé Henri Konan Bédié a produit, parce qu’empêché d’être à Abidjan, en lieu et place d’un certificat médical délivré par le collège de médecins assermentés prévu par la loi, un certificat médical délivré par les médecins de l’Hôpital américain de Paris. Le Conseil constitutionnel dans son arrêt Tia Koné du 6 octobre 2000 a jugé que ce certificat médical produit par l’intéressé ne répondait pas aux exigences de l’article 35 de la Constitution et l’a écarté. Dès lors le dossier du président Bédié dont la composition apparaissait non conforme à la loi, a été rejeté.

Qui ne se souvient pas dans ce même arrêt du cas d’Émile Constant Bombet dont la candidature a été rejetée par le Conseil constitutionnel au motif que poursuivi en justice (jouissant de la présomption d’innocence parce que non encore déclaré coupable) pour un fait reprouvé par la conscience collective pénale, il ne saurait être considéré comme étant d’une bonne moralité et d’une grande probité (ainsi que l’exige l’article 35 querellé), tant que la souillure de la poursuite judiciaire ne serait pas dissipée par une décision non équivoque de sa non culpabilité. Qu’en aurait-il été, dans ces circonstances, l’issue d’une éventuelle candidature en 2020 de Laurent Gbagbo qui serait à cette époque très probablement en procès à la CPI pour des charges de crime contre l’Humanité.

Le devoir de vérité qui s’impose à chacun, oblige à reconnaître que l’article 35 n’est pas une prose unilatérale du président Ouattara, mais une œuvre commune de la classe politique ivoirienne.

Dès qu’il a été prouvé l’origine concertée de l’article 55 (version Marcoussis de l’article 35) il n’est donc pas pertinent de soutenir qu’il lève un coin de voile sur les projets cachés du Président Ouattara.

Il s’agit à bien y voir de près plus qu’autre chose, d’un véritable procès d’intention fait au Chef de l’État.

Edgar KOFFI

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