Dernère publication
Que faut-il dire ? Que faut-il écrire devant la mort d’un être cher comme de Charles Koffi Diby ? Comment témoigner sur cette grande figure de la politique ivoirienne, qui était certes un homme public, un homme de communication, mais avait su se protéger et rester discret, là où certains jouent de leur importance dans l’appareil d’État ?
Charles Koffi Diby n’était pas un homme de postures vaines, d’attitudes superficielles. Il était lui-même, simple, fidèle en amitié, en empathie avec les autres.
Chacun lui reconnaissait ce sens du dialogue qui lui a permis d’être un brillant ministre.
Sa dernière fonction, Président du CESEC , l’assemblée du « premier mot » et incarnation même d’un dialogue fécond entre tous les acteurs de la société, est le symbole même de cette culture du dialogue qui en faisait un être à part au milieu de l’effervescence de la scène politique ivoirienne.
Charles Koffi Diby, j’ai eu l’honneur de le connaître alors qu’il n’était pas encore Trésorier payeur général à Abidjan. C’était dans le cadre de la Caravane de la réussite, une caravane de l’excellence lancée avec Russel Lohoré et Charles Gba, alors collègues au Réveil Hebdo et la Nouvelle République de Yao Noël, dans les années 95-97, pour récompenser et encourager les meilleurs élèves de la Côte d’Ivoire.
En poste à Daoukro, Charles Koffi Diby avait alors accepté de parrainer notre étape dans la localité.
Plus tard lorsqu’il est nommé à Abidjan comme Trésorier payeur général , le coup d’État de Décembre 1999 suspend son parcours et l’oblige à une pause. Sa vie va alors prendre une autre trajectoire.
En 2000, il est conseiller chez le ministre Mamadou Koulibaly. Pendant quelques mois, il occupe un modeste bureau à l’immeuble Sciam. Alors que beaucoup de gens avaient arrêté de chercher à le voir puisqu’il n’avait aucun pouvoir , je reste en contact avec lui, comme des membres de sa famille et quelques autres proches.
Un jour, il me donne rendez-vous pour échanger. J’avais alors 28 ans. Au cours des échanges, Charles Koffi Diby fait savoir qu’il apprécie cette disponibilité et l’intérêt que je lui portais. Pendant des heures, il m’explique son amour pour le service de l’État. Il affirme tenir grâce à ses plantations. Il conseille d’investir dans des choses concrètes pour préparer l’avenir, avoir le moral et les moyens pour tenir dans les difficultés. Donnant son propre exemple, il assure que la vie est faite de hauts et de bas.
Ce jour là, il prit l’engagement, lorsqu’il le pourrait, de m’aider à réaliser mon rêve de faire un grand journal et de devenir un grand journaliste.
Il m’a donné cet autre conseil : n’abandonne jamais tes amis, malgré les infortunes et fortunes de la vie.
Dans la même période, il prend la tête d’un projet de restructuration d’Air Ivoire. Encouragé ensuite par Mamadou Koulibaly, mais sans trop y croire , il participe à l’appel à candidature pour diriger le Trésor public ! Comment pouvait-il y croire dans le contexte politique de la période, marqué par l’arrivée des refondateurs au pouvoir soucieux de tout refonder, face à ceux qui lui reprochaient dans les salons, le fait d’être lié au Président déchu , Henri Konan Bédié ?
Pourtant, Laurent Gbagbo et les siens ont fait le choix du pragmatisme et de l’efficacité, en nommant à des postes-clefs au Trésor, à la Douane et aux Impôts, des techniciens reconnus, des professionnels et non forcément des militants du Fpi,
C’est ainsi que Charles Koffi Diby est devenu Directeur général du Trésor. Durant plusieurs années, il donnera une visibilité accrue à l’institution. Son travail remarqué fait qu’il est ensuite nommé ministre de l’économie de ses finances à la suite de Paul Antoine Bohoun Bouabré.
Tout cela est connu de tous !
Ce qui n’est pas connu c’est cette anecdote révélée par une personnalité qui fut proche du Président Houphouët-Boigny : « On va désormais appeler l’Intelligent d’Abidjan , Diby-Matin ». Il disait qu’il lisait L’Intelligent d’Abidjan chaque fois qu’il voulait savoir l’actualité du ministre, s’il était en voyage ou non, quelle convention il avait signé avec quel pays … (rires ).
La vérité est qu’avec Charles Koffi Diby, (loin de toute propagande personnelle pour l’homme), nous avons eu l’opportunité d’informer davantage les lecteurs et les populations sur les questions économiques et financières tant le grand commis de l’État qu’il était avait compris l’importance de la communication.
Avec la pratique de Diby, la gestion des informations économiques et financières, un journaliste comme moi issu d’études de philosophie, et passé par les services culture et politique, est devenu une sorte de passionné d’économie, capable de parler du FMI, de la Banque mondiale, de la réglementation des banques, du secteur des assurances, et de bien d’autres sujets d’ordre économique et financier.
Plus tard, lorsqu’il a été nommé ministre en 2007, il me confiera à une personne proche de lui, et qui inconsolable depuis samedi 7 décembre 2019, parce qu’il savait qu’il aurait de moins en moins le temps, alors qu’il ne souhaitait pas être en porte à faux avec ce qu’il avait lui-même conseillé : « Ne jamais oublier d’où tu viens et les anciens amis au détriment de nouveaux amis ». C’est ainsi que malgré toutes les occupations au cours des années qui ont suivi, j’ai toujours pu maintenir avec lui aussi bien un lien professionnel qu’un lien affectif et filial.
En février 2010, dans la fièvre de la dissolution du gouvernement par le Président Laurent Gbagbo , j’ai eu l’honneur de faire partie des « Happy Few » présents à Londres pour la remise du Prix du meilleur ministre de l’économie et des finances par le Magazine The Banker …
Beaucoup d’observateurs ont pu noter que l’activité de ce grand commis de l’État était régulièrement suivie, à toutes les époques, par L’Intelligent d’Abidjan.
Tout le long de sa carrière et de sa maladie, à plusieurs reprises, il est arrivé à des personnalités, à des journalistes, à des gens simples de m’appeler pour avoir de ses nouvelles ou pour vérifier si telle ou telle information le concernant était exacte.
Je considère cela comme un honneur , car je ne suis pas membre de sa famille biologique.
La mort de ce travailleur infatigable, de ce serviteur de l’État ivoirien, est un moment pour rappeler à chacun de nous, le caractère éphémère des choses et la finitude humaine.
Souvent lorsque des gens de condition modeste meurent, on peut déplorer le fait qu’ils n’étaient pas suivis par de bons médecins, ou qu’ils n’avaient pas de l’argent pour se soigner !
Dans le cas de Charles Koffi Diby, l’argent et la science n’ont pas fait défaut ! Mais la volonté de Dieu a été primordiale !
Moralité : aimons-nous vivants !
Charles Koffi Diby a aimé les siens, les hommes et femmes qu’il côtoyait ou rencontrait. Il était généreux sans calcul. Il a toujours utilisé les opportunités et les possibilités que lui offraient ses hautes fonctions pour rendre des gens heureux, sans jamais demander leur origine, leur religion, leur parti politique.
Charles Koffi Diby était également un homme sans histoires. Lorsqu’il était attaqué politiquement, il refusait de répondre sur le registre de l’attaque ou de la vengeance.
Il voulait avoir les meilleures relations avec tout le monde.
« Un décès glorieux », a commenté hier un ami qui me présentait ses condoléances.
Un homme comme Charles Koffi Diby, sa place ne peut qu’être au Paradis, si Dieu lui pardonne le mal dont il a pu être coupable, puisqu’aucun homme n’est parfait, et puisque nous ne pouvons pas tout savoir, contrairement à Dieu.
Merci pour tout ce qu’il m’a apporté et repos éternel dans la félicité à lui, qui m’appelait affectueusement « mon fils » tout en notant que j’étais de très grande taille, déjà un adulte et non plus un enfant.
La mémoire de ceux qui restent n’oublie jamais les hommes de qualité.
Charles Koffi Diby, était un des ces hommes de qualité dont la Nation ivoirienne peut être fière.
Wakili Alafé