Ibrahim Kamissoko, styliste-créateur : “En matière de couture, la Côte d’Ivoire est mieux placée en Afrique”

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Ibrahim Kamissoko est styliste-créateur. Lauréat de plusieurs Prix tant en Côte d’Ivoire qu’en Afrique sur les concours de mode, il partage sa vision de la mode africaine et pense que la Côte d’Ivoire est l’un des meilleurs en matière de mode en Afrique.

Vous venez d’effectuer une tournée africaine pour des compétitions internationales. Peut-on savoir les différents pays visités ?
J’ai fait deux défilés au Bénin où j’ai participé à IBELE 2016 du 07 au 10 septembre 2016 où j’ai représenté la Côte d’Ivoire. Je suis revenu avec un trophée de mérite que j’ai présenté au ministère de la Culture et de la Francophonie. Ensuite, j’ai participé toujours au Bénin
du 15 au 18 septembre à la 11ème édition du festival de la mode et de la musique qui est le SICAP (Salon de promotion internationale de golden). Après le Bénin, je me suis rendu au Ghana, au Togo et au Niger pour d’autres compétitions.

Au cours de ces différentes compétitions, qu’avez-vous présenté ?
Je voudrais rappeler que je ne travaille plus sur les modèles standards, mais sur les modèles prêts à porter et les modèles de ville. C’est à-dire les chemises qu’on peut porter et qui sont vendables à partir des pagnes africains et des pagnes de Côte d’Ivoire. Je travaille aussi sur les pagnes traditionnels de Côte d’Ivoire que l’on connaît bien. Ce type de modèle, vous pouvez l’acheter lors du défilé et l’enfiler sur place. Parfois, je faisais des modèles bizarres en fonction des défilés ou du thème des défilés. Donc, je pense que la mode en Côte d’Ivoire a évolué depuis le MASA 2014.
Au défilé du Sica, j’ai présenté une collection-panthère, un tissu élastique que j’ai présenté avec un design encore différent des autres. Mais, je me suis bien démarqué avec une autre collection appelée originale.

Qu’est-ce qui a fait la différence entre vous et les autres stylistes africains?
Effectivement, nous étions beaucoup de stylistes africains. Mais la différence, c’est au niveau de l’expérience dans le travail. J’ai plus de 20 ans d’exercice dans ce métier. Mon expérience est différente des autres. Ensuite, il y a la manière de travailler. En matière de couture dans la sous-région Ouest-africaine et même en Afrique, la Côte d’ Ivoire est mieux placée, après le Nigéria et l’Afrique du Sud. Nous sommes bien placés, raison pour laquelle nous, les stylistes et couturiers ivoiriens, lorsque nous allons à l’étranger, on se démarque facilement par le travail bien fait. Notre façon de travailler le design, les modèles, c’est tout cela qui fait la particularité d’un Ivoirien dans une compétition. Je prends les cas Béninois et Togolais. Ce qu’ils présentent souvent, ce sont des boubas, c’est-à-dire des modèles de chemises qui datent de 1900. Ils changent la couleur du pagne sinon c’est le même modèle. En Côte d’Ivoire, c’est diversifié, c’est-à-dire qu’il y a la couture du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest. Et lorsque vous faites la combinaison de ces variétés, cela donne une richesse qui est différente des autres. Je pense que c’est ce qui a fait que nous nous sommes démarqués des couturiers des autres pays. Quand nous allons au Bénin, au Togo, au Mali, ect… on remarque toujours que notre travail est propre.

Vous voulez dire que la mode ivoirienne est bien vue à l’extérieur ?
Bien sûr, la mode ivoirienne est bien vue à l’extérieur. Lorsqu’on aperçoit un styliste-créateur de Côte d’Ivoire avec le design, et le style, il est vite identifié, on sait que c’est un Ivoirien, c’est vous dire que la mode ivoirienne n’a rien avoir avec les autres.

A la rencontre du GX au Niger à laquelle vous avez participé, il a été question de l’avenir des stylistes africains, de quoi s’agit-il concrètement?
La mode prend le dessus partout. Mais en Côte d’ Ivoire et en Afrique de façon générale, le styliste-créateur n’est pas bien vu. Pourtant en Europe, c’est quelqu’un de riche. Nous sommes fiers d’être des stylistes-créateurs. Nous sommes un groupe de couturiers africains dénommé GX. Nous avons créé ce groupe pour réfléchir à la problématique de la mode et de la couture en Afrique. C’est l’objectif de notre rencontre au Niger.

Qu’est-ce qui fait qu’en Afrique, le styliste n’est pas bien vu ?
Les Blancs ont une mentalité de développement. Lorsqu’un Blanc découvre que vous avez des grandes qualités, il peut vous aider. Mais chez nous en Afrique, pour avoir un crédit à la banque, c’est tout un problème. Les Etats africains ne sont pas prêts à investir dans ce domaine. Lorsqu’un styliste africain quitte le continent pour s’installer en Europe, il a beaucoup de chances de réussir. C’est compte tenu de toutes ces réalités que nous avons décidé de prendre notre destin en main pour réfléchir comment nous pouvons contribuer à notre l’émergence et à celui du continent africain.

Comment comptez-vous jouer votre rôle dans l’émergence de l’Afrique ?
Je travaille et je bouge beaucoup, c’est pour mon pays, pour promouvoir à mon humble niveau la mode ivoirienne et africaine. C’est ma contribution à l’émergence. Quand je sors, c’est Ibrahim Kamissoko de la Côte d’Ivoire, et non la personne IB. Mais, je voudrais faire des doléances à l’Etat et aux décideurs. On ne voit que les footballeurs. Mais je pense qu’il y a d’autres artistes que l’on peut aider comme les cinéastes, les stylistes, les créateurs. Nos gouvernants ne financent que le football. Mais faut-il reconnaître que ce n’est pas seulement par le football qu’on peut vendre son pays. Le théâtre, les films, les défilés etc… peuvent aussi faire vendre la Côte d’Ivoire. Je souhaite que l’Etat de Côte d’Ivoire fasse un clin d’œil aux artistes que nous sommes. C’est vrai qu’on nous classe dans la catégorie des artisans, mais je pense que nous pouvons devenir des industriels parce que dans chaque atelier de couture, c’est au minimum 3 à 4 personnes qu’on emploie. Il y en a d’autres qui emploient 10 à 15. Je crois que si nous avons un appui, cela peut aider à réduire le chômage, et peut aider à diminuer le phénomène des ‘’Microbes’’. Ce n’est pas seulement à l’école que l’homme peut réussir et ce n’est pas non plus les derniers de la classe qui viennent à la couture. Il y a des meilleurs de classe, mais souvent pour des difficultés financières, beaucoup ont abandonné pour se retrouver dans la couture.

Ernest Famin

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