Présidentielle 2020 – Koné Abou, Imam à Dabou : “Moi être contre la candidature du Président Ouattara ?”

8033
Oustaz Koné Abou

Dernère publication

Oustaz Koné Abou est théologien, conférencier et guide religieux. Dans cet entretien accordé au quotidien L’Intelligent d’Abidjan , il répond aux allégations des médias Pdci 24 et Opéra news, faisant état de ce qu’il serait en désaccord avec la candidature d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020.

Des médias comme PDCI 24 et Opéra news vous ont attribué des propos selon lesquels vous êtes en désaccord avec la candidature du Président Alassane Ouattara à la présidentielle du 31 octobre 2020. Que répondez-vous ?

J’ai été appelé pendant la nuit par quelqu’un qui est tombé sur ces informations. Je me lavais , j’ai dû éviter de m’essuyer à la serviette parce que c’était tellement contraire à mes habitudes de prise de parole. Je ne connais pas Pdci 24, je les vois écrire, je ne suis jamais rentré sur leur page pour voir ce que c’est. J’étais très surpris de voir qu’on écrit que je suis contre le troisième mandat. Cela n’a jamais effleuré mon esprit parce que c’est une affaire des politiques et des juridictions. Nous, nous appelons à l’amour de Dieu et à la fraternité entre les hommes, à la foi, à l’éthique et au comportement. Nous devons parler à chacun selon une constitution qui est divine, que ce soit l’Évangile, le Coran, la Thora, les psaumes. Je me suis toujours efforcé de ne pas seulement prêcher musulman, mais d’utiliser tous les verbes de Dieu pour parler aux hommes. Je me rends compte qu’on mêle mon nom et mon image à côté de l’imam Aguib Touré. De tous les temps, quel que soit le pouvoir qui a été là, j’ai tenu des propos pour encourager ce qu’ils font de bien, décrier ce qui est fait de mal et je le fais poliment. Parce que tout doit être dit avec sagesse jusqu’à ce qu’eux-mêmes acceptent ce qui a été dit. J’étais surpris. J’ai réagi sur mon compte Facebook, sur des groupes créés par des amis. J’ai écrit sur Pdci 24 et Opéra news. Dieu merci, les réactions, en tout cas, n’ont pas été seulement que par les musulmans, mais de tous les Ivoiriens. J’ai saisi le commissaire Soro de Dabou, je l’ai appelé, j’ai appelé madame le procureur de la République, le matin. Je me suis rendu au commissariat, j’ai été reçu par l’officier de service, il m’a dit d’aller à Cocody Danga où il y a la police scientifique. J’ai pris le contact, j’ai été bien accueilli au téléphone par un lieutenant qui me demandait de m’y rendre avant 17h. Et comme étant parallèlement le président de la cellule civilo militaire du département, une structure rattachée au ministère de l’intérieur, mais dépendant du conseil national de sécurité, tous les mouvements vous intéressent pour ramener la paix, la cohésion sociale, protéger les hommes et leurs biens. La sécurité environnementale, éducative, sanitaire. Je n’ai pas pu m’y rendre, heureusement pour moi d’ailleurs. Parce qu’après la prière de 16h, j’ai été appelé par monsieur Alex Yao de PDCI 24 pour présenter leurs excuses. Ils ont dit que c’est la source qui les avait mal informés. Et je leur ai dit, dans ce cas, qu’ils retirent ma photo dans l’immédiat. Les propos qu’ils ont mis sont des propos bibliques et coraniques appelant à la fraternité. Je ne vois pas ce qui est dedans qui parle de politique ou d’élection.

De quoi s’agissait-il exactement ?

Je disais par exemple, celui qui veut faire une offrande à l’autel et qui ne s’entend pas avec son frère, qu’il suspende l’offrande et qu’il aille d’abord se réconcilier avec son frère, parole de Jésus. Et je disais que le Prophète Mohammed (Paix et Salut d’Allah sur lui) disait ”si on est en train de faire des invocations, des prières pour Dieu et qu’il y a un seul qui a rompu les liens de sang, de fraternité avec ceux que Dieu a liés avec lui en frère, même père, même mère, aucun ange de miséricorde de Dieu ne descend là ». De là à dire qu’on est contre un troisième mandat, je ne vois pas de rapport. Et là encore, c’était une conférence. Je ne les connais ni de près ni de loin, ils ont présenté leurs excuses, j’ai accepté. Mais j’ai dit qu’ils aillent retirer ma photo et qu’ils écrivent parce qu’on ne peut pas incriminer publiquement quelqu’un et s’excuser en catimini.

Donc vous n’êtes pas auteur des propos qui vous sont attribués.

Pas du tout ! Je ne sais même pas qui a eu l’idée de mettre mon nom. Au contraire, je m’interroge. Pourquoi moi ! Il y a des milliers de guides religieux tant dans les mosquées que dans les églises, pourquoi ma personne? Je n’ai jamais dormi avec ça, je ne me suis jamais réveillé avec une telle idée. Je ne sais même pas. Je m’inquiète. Pourquoi c’est moi le choix ! Je n’ai jamais tenu de tels propos. Mes dires même qu’ils ont mis, n’ont rien à voir avec ce contexte. Sincèrement, je m’inquiète. Pourquoi moi ? Peut-être qu’ils se dit que je suis quelqu’un qui dit la vérité.

À votre avis, cela répond à quoi ?

Je me dis que j’ai toujours pris le contre-pied de tout ce que chacun était en train de dire. Je me suis toujours battu contre la vestimentarisation de la foi quelle que soit cette foi. Je me suis toujours battu contre la coutumisation de la foi. Je me suis toujours battu contre l’arabisation de la foi même devant les tenants de la foi. Être musulman, ne veut pas dire être arabe. Je me suis toujours battu contre celui qui dit toujours le texte sans tenir compte du contexte. Un juge qui dit la loi sans tenir compte du contexte est un juge dangereux. Je me suis toujours battu contre le silence coupable des guides religieux et des gouvernants vis-à-vis des jumeaux qu’on expose aux alentours des mosquées et des lieux publics, des enfants qui souffrent et qui n’ont pas demandé à être là. Donner quelque chose à la maman, c’est encourager à continuer à faire perdurer la souffrance des enfants. Je me suis toujours battu contre le ramassage des infirmes ou des estropiés des pays pour venir clôturer les mosquées comme si l’Islam était la religion de la mendicité ou encourageant la mendicité. Je me suis toujours battu contre les brouteurs spirituels que sont les marabouts et les charlatans. Je me suis toujours battu contre la dioulaïsation de la religion, l’abandon de l’éducation de nos enfants. Aujourd’hui, nous avons le résultat. Les parents nationaux ont peur des enfants nationaux parce le Prophète Mohammed (Paix et Salut d’Allah sur lui) a dit qu’un jour viendra où les parents auront peur de leurs enfants. Je me suis toujours battu contre les gens qui adorent les génies dans la forêt du banco et après ils vont s’accroupir dans les mosquées. Donc j’ai une position. Le procureur de la République avait fait écouter des audios qui disaient qu’il y avait des caches d’armes, à un moment. J’ai demandé publiquement qu’on laisse ce pays en paix pour que les infirmes d’Attécoubé tombés morts, continuent de glisser sur leurs fesses pour aller demander la pitance, pour que nous les pauvres de Dabou dioulabougou qui n’avons que pour pommade notre pauvreté, puissions sortir pour envoyer message à quelqu’un et lui demander de nous envoyer un sac de riz. On y gagne rien. Il suffit d’un seul mouvement et nous sommes déjà dans le chaos. Vraiment je demande qu’on laisse ce pays en paix. Notre denrée pour aller à l’église, à la mosquée, c’est la paix.

Est-ce un complot ourdi contre votre personne ?

Je me pose la question qui est derrière. Il y a obligatoirement quelqu’un derrière. Il y a quelqu’un qui est au départ et qui choisit ma photo, qui se dit ”lui là, il parle, pas comme Aguib. C’est quelqu’un, cela fait 26 ans, de 1994 à aujourd’hui, il a toujours pris le contre-pied de tous les Imams, il a toujours pris le contre-pied de tous les guides religieux, il a amené les hommes à respecter la foi des autres, à ne pas croire que le musulman soit supérieur aux chrétiens parce que la pintade étant la volaille aussi, n’a jamais dit qu’elle était supérieure au coq. Ils sont unis dans un poulailler sans faire du bruit. Dire que c’est un complot, ce serait trop dire. Parce que le pouvoir en place ne m’a jamais montré d’un mauvais côté. Au contraire, on m’a souvent sollicité pour aller donner des conférences. Même au décès d’Aboudramane Sangaré, j’ai été invité à la salle des ambassadeurs au ministère des affaires étrangères pour parler pendant 25 minutes de cohésion sociale, où j’ai fait parler madame Simone Gbagbo qui a récité le ”Notre père qui est aux cieux” avec moi. J’ai appelé les gens à la paix en leur disant que le vent qui souffle nous fait peur parce qu’il y a un rétroviseur en chacun de nous. 2011 n’est pas loin. J’ai toujours tiré sur la sonnette d’alarme. Donc parler de complot, je ne sais pas d’où cela viendrait parce qu’aucun parti de l’opposition n’a eu maille à partir avec moi. J’ai mon frère qui est au Pdci, mon fils à l’Udpci. Sincèrement je ne peux pas dire que c’est un complot. Mais c’est un individu en manque de publicité qui souhaiterait utiliser cela. Je dirai plutôt que c’est l’opposition qui a envie de marquer des points, de marquer un grand coup. Le grand coup se fait avec de grandes personnes, pas avec de petites personnes comme moi.

Pour terminer, quel est le message que vous voulez lancer ?

Pour terminer, je dirai aux Ivoiriens, ce qui se passe n’a rien à voir avec le contexte de 2011 qui était la suite logique de la guerre latente de 2002 où chacun était armé pendant près de 10 ans pour attendre que d’autres réagissent. Effectivement les arbitrages, les négociations ayant échoué, on devait aboutir à cela. Mais chacun doit penser le pays, chacun doit avoir dans le cœur l’amour de sauver un bout de périmètre carré de son pays. Là, nous sommes maintenant dans un cadre de la légalité ou de la non légalité des juridictions. Nous devons laisser parler les partis politiques et nous qui suivons derrière ne devons pas servir de moutons de sacrifice. Et que nos enfants ne doivent pas être manipulés, utilisés de quelque bord que ce soit. Qu’on aille aux élections et que celui qui gagne travaille pour la Côte d’Ivoire. Dans d’autres pays, je ne sais pas si on les appelle les avancés ou civilisés, ils ont plus de problèmes que nous, ils sont plus intellectuels que nous, mais le débat est plutôt dans les médias, le peuple écoute et après on choisit. Souvent même aux États-Unis, il y a un problème pour choisir le vainqueur, cela n’amène pas à se tirer là-dessus. Je demande qu’on dépassionne les débats. La passion et la radicalité n’ont jamais servi ni dans la foi ni dans la politique ni dans le sport. Les passions mènent toujours à l’extrémisme et aucun extrémisme n’est profitable pour structurer notre Nation, veiller sur nos enfants. Les enfants sont à 85% à 90% l’avenir du pays, il ne faudrait pas que 10% de vieux, de vieilles personnes périmées proches de la tombe que de la vie amènent à tuer ceux qui sont l’avenir.

TAB avec IBK

Commentaire

PARTAGER