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Des députés ivoiriens peuvent-ils envisager de lancer une procédure de destitution du président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, s’ils disposent d’une solide majorité , dans ce sens ? Le mercredi 19 juillet 2017, le Parti Africain Contre l’Injustice (PACI) a produit une déclaration dans laquelle, il invite clairement à la destitution et au transfèrement du président de l’Assemblée nationale à Cour Pénale internationale (CPI). Concernant le premier point Afrikipresse a posé la question au juriste-politologue, Nahi Prégnon, enseignant-chercheur à l’université Péleforo Gon Coulibaly de Korhogo.
À en croire Nahi Prégnon, la Constitution ne prévoit en l’état actuel aucune possibilité de destituer le président de l’Assemblée nationale. Selon lui seul le règlement de l’Assemblée nationale peut éventuellement prévoir une telle possibilité.
Il explique : « la Cote d’Ivoire présente un aspect juridico-institutionnel qui écarte toute intervention de l’exécutif si d’aventure, il devait être mis fin aux fonctions du président de l’Assemblée nationale. En effet, le régime politique ivoirien est un régime libéral avec une forme présidentielle. Le peuple de Côte d’Ivoire, proclame son attachement aux principes de la démocratie pluraliste fondée sur la séparation et de l’équilibre des pouvoirs entre autres. Or, le régime présidentiel se caractérise par l’indépendance réciproque de l’exécutif par rapport au législatif et inversement. C’est à dire que chacun de ces deux pouvoirs agit isolément dans sa sphère d’attribution et chacun d’eux ne peut pas mettre en cause l’existence de l’autre. L’indépendance réciproque des pouvoirs exécutif et législatif se manifeste tant au plan fonctionnel qu’au plan organique. C’est à dire qu’il se traduit aussi bien au niveau des fonctions qu’au niveau de l’existence des organes. Aucun des deux pouvoirs n’a le droit d’empiéter dans la sphère de compétence de son voisin. L’autonomie organique désigne le fait qu’aucun des deux pouvoirs ne peut remettre en cause l’existence de l’autre, et chacun est assuré d’exercer ses fonctions jusqu’au terme de son mandat. De fait, le président de la République ne peut pas dissoudre l’Assemblée nationale, c’est à dire qu’il ne peut pas décider de mettre un terme prématuré au mandat des parlementaires, et réciproquement l’Assemblée nationale ne peut pas mettre en cause la responsabilité politique du président, il ne peut pas voter la censure du président c’est à dire le renverser. Sur le plan fonctionnel, la Constitution dispose en son article 89 que le Président du parlement ivoirien est en principe élu pour toute la durée de la législature qui est de cinq ans (5 ans), tandis que les autres membres du bureau sont renouvelés chaque année. Aussi, s’il devait en être autrement, c’est la Constitution et le règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui devraient en décider. En d’autres termes, en droit positif ivoirien, c’est le règlement intérieur qui fixe les conditions d’éligibilité et de nomination, ainsi que les conditions dans lesquelles il y’a lieu d’organiser de nouvelles élections ou de procéder à de nouvelles nominations, en cas de vacance de siège de député ou de sénateur ou de président du bureau de l’Assemblée ».
Quid alors du règlement de l’Assemblée nationale. Pour la législature actuelle, le règlement intérieur n’a pas encore été adopté. Il est en préparation. Afrikipresse a réussi à s’en procurer une copie. En supposant que c’est le règlement intérieur de la législature passée qui s’applique, il faut noter qu’il n’offre pas une possibilité spécifique de démettre le président de l’Assemblée nationale. La question de la vacance y est gérée par l’article 2, alinéa 2 qui stipule : « toutefois, en cas de vacance de la Présidence de l’Assemblée nationale par décès, par démission ou par empêchement absolu, le premier vice-président assure de plein droit les fonctions de président de l’Assemblée nationale ».
Cet article est repris dans le nouveau projet de règlement intérieur en cours d’élaboration, mais, cette fois, la vacance est assurée par le « vice-président le plus âgé dans une période de 15 à 30 jours. » , étant entendu que le poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale qui était lié au statut de dauphin constitutionnel du Président du parlement, n’existe plus. Dans cette période de transition et d’intérim , le plus âgé des vice-présidents « convoque l’Assemblée nationale en vue de procéder à l’élection du nouveau président ».
Ainsi, si l’on s’en tient au(x) règlement(s) de l’Assemblée nationale (celui en vigueur et celui en cours d’élaboration) il n’existe aucune disposition spécifique sur une sur quelconque destitution du président de l’Assemblée nationale. Cependant, en le considérant avant tout comme un député, il peut être appliqué au président de l’Assemblée nationale, l’article 45 du règlement en vigueur qui devient l’article 46 du règlement en cours d’élaboration sur l’immunité. Il y est mentionné : « aucun député ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale, sauf en cas de flagrant délit ». En fait, toutes les immunités sautent en cas de flagrant délit.
En clair, le député bénéficie de deux immunités. Premièrement, il est interdit que le député soit poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l`occasion des opinions ou des votes qu’il émet dans l`exercice de ses fonctions. Deuxièmement, pour tous les crimes et délits commis par le député durant les sessions, il ne peut être poursuivi ou arrêté qu’avec l`autorisation de l`Assemblée nationale, sauf en situation de flagrant délit.
En plus, « en dehors des démissions d’office édictées par des textes législatifs sur les incompatibilités et les incapacités, tout Député ou groupe de Députés peut, par notification écrite adressée au Président de l’Assemblée Nationale, ou par déclaration publique, se démettre de ses fonctions de Député » (article 11 règlement en vigueur. Art4 règlement en cours d’élaboration).
Pour ce qui de la déchéance, il est prévu par le règlement intérieur et le code électoral, que pendant toute la durée de la législature, l’élu dont l’inéligibilité est établie, est déchu de son mandat par le Conseil constitutionnel saisi à cet effet par le ou les candidats de la même circonscription électorale. En tout état de cause, il est constant que dans la pratique que ce soit pour la déchéance que pour les questions pénales, leur succès ou leur échec dépend en grande partie de l’atmosphère politique et de la position minoritaire du député par rapport à la majorité.
En conclusion, selon le Docteur Nahi « pour mettre fin aux fonctions du président de l’Assemblée nationale en Côte d’Ivoire il y a deux possibilités. Dans le premier cas, il s’agit de constater une vacance de la présidence de l’Assemblée nationale consécutive à un décès, une démission, ou un empêchement absolu. Dans le deuxième cas, en dehors du constat de la vacance de la présidence de l’Assemblée nationale, il s’impose de procéder à une modification de la Constitution et du règlement intérieur de l’Assemblée nationale pour y inclure une disposition prévoyant que les députés puissent élire un nouveau président de l’assemblée nationale avant que la législature en cours n’arrive à son terme ».
En ce qui concerne la révision constitutionnelle, la Constitution dispose en son article 177 que l’initiative de la révision appartient concurremment au président de la république et aux membres du parlement. Cependant, le Président de la république a désormais le choix entre la voie référendaire et la voie législative quelle que soit la nature du texte à réviser. Autrement dit, il peut se contenter de l’adoption du texte par la majorité des 2 tiers des membres de l’assemblée nationale.
Chris Monsékéla,
on Afrikipresse le 24 juillet 2017