DEUX MODES DE LECTURE DE L’ELECTION DE GEORGE WEAH AU LIBERIA

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Dernère publication

S’agit-il du destin extraordinaire d’un enfant du ghetto ou de la conquête du pouvoir par les urnes dans une Afrique nouvelle ?
Rien ne prédestine George Weah à devenir le Président de la République du Liberia. Issu du groupe ethnique krou, alors que le pays est dominé par les descendants d’esclaves américains, qui fondèrent le Libéria au XIXe siècle, il est né dans un bidonville de Monrovia. Or, il va devenir une star mondiale du football, puis un homme politique d’abord élu sénateur, puis, le mardi 27 janvier 2017, Président de la République du Liberia. Immédiatement, l’accent est mis sur le destin extraordinaire de cet enfant du ghetto. Quelle est la bonne lecture de l’élection de George Weah à la Présidence de la République du Liberia ?
Une lecture réductrice : le destin extraordinaire d’une enfant du ghetto
Première étape : la stat du football
George Weah commence sa carrière de footballeur dans son pays natal, avant de rejoindre un club camerounais. Le Français, Claude Le Roy, alors entraîneur du Cameroun, le met en contact avec l’AS Monaco, où il jouera de 1988 à 1992 En 1992, il rejoint le PSG. Buteur exceptionnel, il signe à l’AC Milan en 1995. C’est en Italie qu’il connaît la consécration. Récompensé par le Ballon d’Or en 1995, il est toujours le seul Africain à avoir eu cet honneur. L’enfant du Ghetto de Monrovia est devenu l’un des meilleurs attaquants du monde. Mais, un footballeur peut-il se reconvertir dans la politique ?
Deuxième étape : la carrière politique
Lorsqu’il était footballeur, George Weah utilisait déjà sa tête, non pas uniquement pour marquer des buts, mais, déjà pour parler de son pays et du peuple libérien. Sa reconversion politique débute en 2005 : il se présente à l’élection présidentielle et apparaît déjà comme l’un des favoris du scrutin. Il sera battu au second tour par Madame Ellen Johnson Sirleaf. En 2011, il est candidat au poste de Vice-président, aux côtés de Winston Tubman. Madame Ellen Johnson Sirleaf est réélue. Les fraudes sont évidentes, mais, en 2011, comme en 2005, George Weah accepte le résultat de l’élection. Il ne veut pas créer les conditions d’une instabilité politique qui plongerait le pays dans une nouvelle guerre civile. Entretemps, le 28 décembre 2014, il est élu sénateur de Monrovia avec 78 % des voix. Il devance Robert Sirleaf, le fils de la présidente Ellen Johnson Sirleaf. Cette élection au poste de sénateur, avec un tel score face au fils de Madame Ellen Johnson Sirleaf, confirme son immense popularité.
Force et faiblesses de Weah, homme politique
Force : sous le régime du président Charles Taylor, pendant les années de guerre civile, George Weah a vécu à l’étranger. Alors que la plupart des hommes politiques libériens ont du sang sur les mains, Weah n’est pas assimilé à ceux qui ont commis des crimes pendant la période sombre qui a fait plusieurs centaines de milliers de morts. De plus, aucun fait de corruption ne lui est reproché.
Faiblesses : on lui reproche un manque d’expérience politique et un niveau de formation insuffisant. Comment un footballeur peut-il prétendre gouverner un pays ? Il reprendra, en 2007, des études et obtiendra, en 2011, un master en management. L’argument de George Weah est de dire que ce sont des femmes et des hommes expérimentés en politique avec un haut niveau de formation qui ont fait du Liberia un Etat failli.
George Weah, à nouveau candidat à l’élection présidentielle de 2017
Conscient de sa popularité, certain de disposer d’un socle de voix de 20 à 30 % dès le premier tour, George Weah décide d’être à nouveau candidat à l’élection présidentielle du 10 octobre 2017. Lors de ses meetings, il remplit les stades et devient le candidat du peuple. Il s’entoure d’une équipe solide, multiplie les contacts à l’étranger : il constate qu’il dispose d’une très bonne image politique. Sur le terrain, il consacre une partie de sa fortune à la mise en œuvre de programmes d’aide aux populations pauvres, aux malades, ou encore à l’éducation. Devenu le candidat du peuple, il est élu Président de la République du Liberia, avec un score sans appel : 61,5 % des voix contre 38,5 pour le Vice-président Joseph Boakai., le candidat du système.
La véritable signification de l’élection de l’élection de George Weah
L’élection de George Weah ne peut pas être interprétée comme une simple transition, une manière de perpétuer l’ancien système à travers un candidat jeune (51 ans) et « propre » (l’homme n’a pas de sang sur les mains et il n’est pas corrompu). Weah symbolise pour tous les Libériens et sur la scène internationale la conquête du pouvoir à travers les urnes, dans une Afrique nouvelle, par un homme politique nouveau. Conscient de ce que représentait son élection, voici ce que George Weah a répondu à Emmanuel Macron qui le félicitait de son élection : « une nouvelle génération de Chefs d’Etat » et « beaucoup à faire ensemble afin d’accélérer la construction de l’Afrique nouvelle ». Tout est dit dans cette réponse.
Personne ne retire à « Ma Ellen » ses mérites : première femme élue présidente de la République d’un pays africain, co-lauréate du Nobel de la paix en 2011, elle a su, pendant ses deux mandats, maintenir le cap d’une transition démocratique après des années de guerre civile. Mais son bilan est faible : des pans entiers de l’économie libérienne sont en faillite, elle n’a pas su lutter contre la corruption, ni mener des politiques efficaces contre le chômage et la pauvreté, l’éducation et la santé sont aussi en faillite.
En ce sens, l’élection de George Weah apparaît comme une véritable révolution démocratique dans une Afrique encore agitée par des soubresauts politiques et de brusques retours en arrière.

Pour Weah, le plus dur reste à faire

Le Liberia n’est pas un pays pauvre, il regorge de richesses naturelles, mais quatorze années de guerre civile (1989-2003) et la corruption ont saigné son économie. Longtemps dans l’orbite américaine, les Etats-Unis voyaient d’un mauvais œil l’arrivée de Weah au pouvoir, plus enclin à diversifier ses partenaires. Son intention est d’ailleurs de se tourner vers la zone francophone et l’Union européenne ? Il lui faut aussi savoir s’entourer, constituer une équipe solide, résister aux pressions de l’ancien système.
Pour avoir accompagné Weah en France, lors de sa campagne, je peux dire qu’il dispose en Europe et en Afrique de soutiens solides. Son image est celle d’un militant de la Paix et du dialogue. Il refuse d’ailleurs, à juste titre, de revenir sur les années sombres de la guerre civile. Sa feuille de route : transformer le pays pour en faire un exemple de développement dans une Afrique nouvelle. Il en a et la volonté et les capacités. Sa marge de manœuvre n’est pas si étroite que cela.

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