LA CHRONIQUE DU LUNDI GAMBIE : LE PLUS PETIT PAYS D’AFRIQUE CONTINENTALE QUI VOIT GRAND 1965-2016 : de l’indépendance à l’élection d’Adama Barrow, une trajectoire des plus banales en Afrique noire

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Situé en Afrique de l’Ouest, la Gambie, avec sa superficie de 11 300 km2, est le plus petit pays d’Afrique continentale. Colonisé par les Portugais, puis par les Britanniques, le pays obtient son indépendance en 1965. Depuis cette date, la Gambie n’a connu que trois présidents : Dawda Jawara, ( 1970 à 1994) ; Yahya Jammeh, jeune officier qui arrive au pouvoir par un coup d’Etat (1994-2016) ; Adama Barrow, élu Président le 1er décembre 2016. Le président sortant, Yahya Jammeh, refuse de reconnaître la victoire d’Adama Barrow. A la suite d’une résolution de l’ONU, l’armée sénégalaise intervient en Gambie. Le 21 janvier 2017, Yahya Jammeh quitte le pouvoir, ce qui permet à Adama Barrow de diriger le pays. Peut-on dire que la Gambie, depuis son appartenance à l’Empire britannique, est resté un territoire marginal qui ne s’est fait remarquer, jusqu’en 2016, que par l’état de guerre permanent soigneusement entretenu par Yahya Jammeth contre son voisin sénégalais ? Notons aussi que, dans une Afrique de l’Ouest francophone, la Gambie, qui a été une colonie britannique, fait le choix de l’anglais comme langue officielle. Ses racines et ses liens historiques avec les autres pays de l’Afrique de l’Ouest font que le français est largement répandu. Notons aussi que, de 1982 à 1989, la Gambie et le Sénégal sont unis dans une éphémère Confédération de Sénégambie. Faut-il rappeler que le Sénégal est le seul pays avec lequel la Gambie a des frontières terrestres ? Enclavé dans le Sénégal, le territoire gambien s’étend le long des 320 derniers kilomètres du cours du fleuve Gambie jusqu’à son embouchure et sur 20 à 50 km de part et d’autre des rives du fleuve. Le pays possède une ouverture sur l’Océan Atlantique avec un littoral de 80 kilomètres. Capitale de la Gambie, le port de Banjul, à l’embouchure du fleuve Gambie, a été (est toujours ?) un lieu de trafics commerciaux et de contrebandes, notamment des ressources naturelles de Casamance, une région agitée, depuis 1982, par les revendications de mouvements indépendantistes. Pour revenir à l’histoire récente de la Gambie, notons enfin que, lorsqu’il arrive au pouvoir par un coup d‘Etat en 1994, le lieutenant Yayha Jammeh est élu, en décembre 2001, Président de la République à travers des élections que les observateurs jugeront « libres, justes et transparentes ». Mais, peu à peu, le régime de Yayha Jammeh connaît une dérive autoritaire. Interrogé par le Royaume-Uni sur le non-respect des Droits de l’Homme, Jammeh annonce, le 2 octobre 2013, son retrait du Commenwealth, qu’il accuse de néocolonialisme. Le 8 février 2018, avec Adama Barrow, la Gambie adhère à nouveau au Commonwealth. Le 12 décembre 2015, Yayha Jammeh déclare que son pays est désormais un Etat islamique, alors que la séparation de l’Église et de l’État est inscrite dans la Constitution. Le 28 janvier 2017, Adama Barrow annule cette décision. L’histoire de la Gambie ressemble à celle de nombreux pays africains : à l’euphorie de l’indépendance va succéder le temps long des désillusions dont les marqueurs tragiques sont les crises politiques, les dérives dictatoriales, un Chef d’Etat (Yayha Jammeh) qui se maintient au pouvoir pendant 22 ans, les activités illicites, la vulnérabilité économique et sociale, la faiblesse des capacités de financement du développement. La Gambie figure à la 13è place des pays les plus pauvres du monde.

Un pont entre le Sénégal et la Gambie, symbole du rapprochement entre les des deux pays et de l’entrée dans une ère de paix
Avec l’élection d’Adama Barrow, la Gambie entre dans une ère nouvelle que symbolise le rapprochement avec le Sénégal. La construction d’un pont sur le fleuve Gambie est le symbole du rapprochement entre les deux nations. Longtemps bloquée par l’ancien président gambien Yahya Jammeh, cette construction a été relancée depuis l’arrivée d’Adama Barrow au pouvoir en janvier 2017. Présent dans la capitale gambienne à l’occasion de la première session de l’année du Conseil présidentiel sénégalo-gambien, le Chef de l’Etat sénégalais Macky Sall s’est félicité de la construction de ce pont qui facilitera la traversée de la Gambie par les Sénégalais qui doivent se rendre au nord ou au Sud du Sénégal : « Ce pont, on l’a attendu depuis des décennies. Et là, le voir se réaliser, nous ne pouvons qu’applaudir des deux mains. » Selon Bachir Dieye, le conseiller Afrique de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie et qui suit de près les relations sénégalo-gambiennes, « la construction de ce pont, demandée depuis longtemps par les Sénégalais, un conseil présidentiel sénégalo-gambien qui se réunira tous les six mois, alternativement en Gambie et au Sénégal, tout cela montre que désormais les relations entre les deux pays sont au beau fixe. » Pour l’ambassadeur de Gambie en France, Sedat Jobe, l’élection d’Adama Barrow se traduit par un véritable changement démocratique en Gambie et une volonté de renforcer la coopération économique avec les pays occidentaux, en particulier l’Union européenne, qui a toujours été, pour la Gambie, un partenaire privilégié. Cette coopération s’était affaiblie en raison des dérives dictatoriales du régime de Yahya Jammeh et de l’expulsion, en juin 2015, de la représentante de l’UE à Banjul. L’alternance démocratique que représente Adama Barrow doit permettre de relancer les partenariats et aider ainsi l’Etat gambien, dont les caisses sont vides. Bruxelles a réagi positivement en annonçant une aide de 75 millions d’euros pour financer des mesures d’aides immédiates (aide pour les populations vulnérables et réhabilitation les routes) et le versement de 150 millions d’euros à moyen terme, afin de créer des emplois et réformer l’Etat de droit.
La France à nouveau présente dans une Gambie qui se tourne vers la francophonie
La réouverture de son antenne dans le pays, fermée depuis 2013, montre que la France souhaite renouer ses liens avec la Gambie. Un chargé d’affaires français est désormais en poste dans le pays, où se sont rendus des chefs d’entreprises français. Avec le patron de l’AFD, Rémy Rioux, tous constatent qu’il est désormais possible de travailler en Gambie. Les relations avec la France se renforcent aussi dans le domaine de la sécurité et de la justice avec, comme objectif prioritaire, la réconciliation nationale. La nouvelle image que veut donner Adama Barrow de la Gambie est celle d’une alternance démocratique et de la réconciliation nationale. Pour y parvenir, la Gambie se tourne vers la francophonie. Lors du XVIIè Sommet de la Francophonie, qui se tiendra les 11 et 12 octobre 2018, à Erevan, en Arménie, la Gambie annoncera son intention de rejoindre l’espace francophone, ce qui n’est nullement contradictoire avec le retour du pays dans le giron du Commonwealth. Dans sa lutte contre la pauvreté et le chômage, l’actuel président gambien a besoin de l’appui de tous les pays occidentaux, ces derniers cherchant à consolider leurs positions en Afrique.
C’est donc une Gambie nouvelle qui apparaît dans la sous-région et sur la scène internationale. La naissance de la jeune démocratie gambienne montre que l’Afrique évolue, se transforme. Désormais, la Gambie d’Adama Barrow, le plus petit pays d’Afrique continentale, voit loin.
Christian Gambotti
Président du think tank
Afrique & Partage
DG de la société ECFY
Directeur de la Collection
L’Afrique en Marche

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