Tribune Alassane Ouattara : héros shakespearien confronté à l’impossible lutte contre le temps ?

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Le Président Alassane Ouattara n’a pu exercer son premier mandat qu’à partir d’avril 2011.
Réélu pour un second mandat en 2015, la fin de l’année 2016 se déroule pour lui sous l’agitation des échéances électorales avec le référendum sur la constitution et les législatives.

Suivront la nomination d’un nouveau gouvernement, les ajustements liés à l’arrivée dans le dispositif de l’exécutif d’un Vice-président, dans celui du législatif d’un sénat.
Du 20 décembre au 10 janvier, ce sera la « trêve des confiseurs ».
Le nouveau gouvernement, s’il est nommé, ne sera opérationnel que vers la mi-janvier 2017.
Il ne restera , au Président Alassane Ouattara que 4 ans pour réussir son second mandat.
4 ans ? Non, car l’année 2020 sera perturbée par l’échéance de l’élection présidentielle avec, le Président Alassane Ouattara ne se représentant pas, le trop-plein attendu des candidats.
Finalement, il restera moins de 4 ans au Président Ouattara pour convaincre les Ivoiriens que les ponts qu’il construit et les routes qu’il réhabilite amènent les produits dans leurs assiettes.
Comme tous les Chefs d’État, Alassane Ouattara mène une impossible lutte contre le temps, car il a, pour son pays, de grandes ambitions d’autant plus qu’il tiendra la promesse de ne pas se représenter en 2020.
Parmi les objectifs de cette ambition, figure l’installation d’une stabilité politique qui permettra l’organisation d’élections libres et transparentes.
Beaucoup ne voient dans le RHDP qu’une coalition de circonstance et dans l’accord passé entre les Présidents Bédié et Ouattara qu’une alliance pour accéder au pouvoir.
Coalition de partis politiques et alliance entre d’anciens ennemis qui ne sont que l’expression des vieilles ruses de la politique.
La stabilité politique serait alors provisoire selon eux , car les alliances électorales ont vocation à se défaire, d’autant qu’il existe toujours des intérêts divergents entre les membres des coalitions.
Le PDCI-RDA ne demande-t-il pas au RDR les ajustements nécessaires pour un réel partage des pouvoirs ? Le RDR ne répond-t-il pas qu’il ne doit rien au PDCI-RDA ?
Cette vision de la politique remet en cause l’effort de stabilité accompli par Bédié et Ouattara.
Or, si l’on regarde le RHDP depuis sa création et l’accord signé entre Bédié et Ouattara avant 2010, on constate la solidité du lien et de l’alliance entre Ouattara et Bédié. Pourquoi ce lien si solide ?
Une tâche supérieure les attend, au-delà de l’histoire contingente et des élections. Cette tâche supérieure est celle de la construction d’une Côte d’Ivoire nouvelle et l’édification d’un Ivoirien nouveau.
J’ose croire que les Présidents Bédié et Ouattara, même si Ouattara est encore un Président en exercice, appartiennent déjà à l’Histoire, comme le Sénégalais Abdou Diouf et le Nigérian Jonathan Goodluck, qui ont reconnu leur défaite lors du second tour d’une élection présidentielle, en 2000 pour Diouf, en 2015 pour Goodluck, sont entrés dans l’histoire, appartiennent à l’histoire.
J’ose croire encore que le projet de parti unifié, dont le RHDP préfigure l’existence, est une manière, au sein d’une coalition appelée à gagner des élections et à gouverner, de transcender les clivages ethniques, géographiques et tribaux, car il n’est pas loin le temps où l’Afrique n’était qu’une mosaïque d’ethnies et chaque village un presque-État.
Les États-nations sont jeunes. Il reste encore, chez certains, en particulier les « noyaux durs » de chaque camp, le sentiment d’appartenir à une ethnie, à une région.
J’ose dire que les Présidents Bédié et Ouattara ont déjà ailleurs, les yeux rivés sur 2020, date à laquelle se jouera l’avenir de la Côte d’Ivoire sur tous les plans.
Président en exercice, Alassane Ouattara se retrouve dans la position du héros shakespearien constamment confronté à une impossible lutte contre le temps.
Les souverains, chez Shakespeare, refusent le temps que l’on subit. Confrontés au temps, ils cherchent à en maîtriser la dynamique qui ordonne les événements.
Il ne reste à Alassane Ouattara que 3 ou 4 ans pour ordonner les événements, ce qui explique la procédure suivie pour l’écriture de la nouvelle Constitution et le sentiment de la brièveté des débats et de la campagne , qu’une opposition en mal et en peine d’unité , voulait interminable.
Il n’y a pas d’arrière-pensée dans la démarche. Le problème se trouve dans le fait que la vieille politique aime prendre son temps.
À l’assemblée nationale, des débats se prolongent, souvent inutilement, par le jeu des amendements et les stratégies d’obstruction. Dans la vieille politique, c’est le temps qui ordonne les événements.
Le héros shakespearien a pour ambition de changer le monde, mais le temps lui manque.
La tragédie du pouvoir, pour celui qui veut changer le monde, réside dans ce temps qui manque.
Pour le peuple, en Côte d’Ivoire, entre 2000 et 2010, le temps s’est arrêté. L’élection présidentielle de 2005 n’a pu être organisée.
L’ancien régime, préoccupé par son maintien au pouvoir face à l’agression et dans la crise , s’est installé dans un temps où il ne se passe rien.
Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire se transforme , mais il ne reste que 3 ou 4 ans à Alassane Ouattara pour réussir.
Quel sera l’état du pays en 2020 ? Aura-t-il réussi ?
De cette réussite dépend l’avenir de la Côte d’Ivoire. C’est pour cela qu’au sein du RHDP, tous ne doivent avoir qu’une seule préoccupation : maîtriser collectivement la dynamique du temps qui ordonne les événements.
Or, le calendrier des ambitions personnelles de certains, uniquement préoccupés par 2020, brise cette dynamique du temps que cherche à utiliser Ouattara afin de transformer la Côte d’Ivoire.
La politique, ce n’est rien d’autre, aujourd’hui, que la forme accélérée du temps, afin de répondre aux impatiences du peuple, qui a soif de démocratie et de consommation.
Il appartient à l’homme d’État d’inscrire ces impatiences dans le cadre d’une destinée collective.
Par les avancées qu’elle propose, la nouvelle Constitution de la Côte d’Ivoire offre un cadre « juridique », mais aussi philosophique, à cette destinée collective.

Christian Gambotti , Éditorialiste

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