Dernère publication
Depuis plusieurs mois, la CGT burkinabè et d’autres associations dénoncent des restrictions liberticides dans le pays
Le 31 octobre dernier, la Confédération Générale des Travailleurs du Burkina (CGT-B) prévoyait une manifestation à Ouagadougou pour dénoncer un ensemble de restrictions de libertés. Disparitions et enrôlements forcés, enlèvements de citoyens et mesures de fermeture d’organes de presse seraient survenus depuis le dernier coup d’État. Cet évènement est finalement annulé par la mairie « à cause du contexte sécuritaire ».
Pour la CGT-B, le respect des principes démocratiques est une condition sine qua non à la victoire face au terrorisme. « Le peuple burkinabè a payé assez cher pour conquérir les libertés démocratiques et syndicales, et nous ne voudrions pas accepter que quelqu’un les balaie d’un revers de la main », affirme le porte-parole du collectif.
Des réquisitions ciblées dénoncées
Quelques mois plus tôt, l’Unité d’Action Syndicale (UAS), déplorait déjà une « dérive autoritaire ». L’UAS, Human Right Watch (HRW) et bien d’autres dénoncent un recrutement abusif des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP).
Activistes de droit humain et journalistes critiques envers le pouvoir semblent être ciblés. Parmi ceux-ci, les membres de Balai Citoyen, le Dr Douada Diallo, lauréat du prix Martin Ennals 2022, le président de l’Organisation Démocratique de la Jeunesse, l’ancien ministre des Affaires Étrangères et notamment les organisateurs du meeting interdit en octobre dernier.
« De par leur nombre et de par l’identité des personnes concernées, [ces réquisitions] finissent d’achever de convaincre les plus sceptiques sur les motivations réelles de leurs initiateurs. » Estime le Mouvement Burkinabé des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP).
Début novembre, HRW a collecté des témoignages. La crainte règne parmi les critiques des autorités. Certains renoncent même à faire entendre leurs voix : « Un défenseur des droits humains n’est utile aux autres que s’il est vivant et libre. » Se résigne un activiste de la région du Nord. « Je dois continuer à servir ma communauté, et je ne peux pas le faire si je suis envoyé au front. »
La coalition de syndicats exige l’annulation totale de ces recrutements.
Du point de vue du droit
Ce lundi 20 novembre, la justice a rejeté les demandes de suspension des douze réquisitions de citoyens, dont celle de l’ancien ministre Ablassé Ouedraogo, aujourd’hui âgé de 70 ans. La juge des référés affirme manquer de pouvoir au sujet des questions de sécurisation du pays.
Si d’après le tribunal administratif de Ouagadougou ces conscriptions sont légales, elles ne semblent pas en adéquation avec le droit africain d’après HRW : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule que certains droits peuvent être restreints en état d’urgence, à condition qu’ils soient adaptés « dans la stricte mesure où la situation l’exige ».
Aussi, en vertu de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, aucune dérogation aux droits garantis par ladite charte n’est autorisée en période d’urgence.
Pour Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel au HRW : « En ciblant ces individus, la conscription mise en place au Burkina Faso viole les libertés humaines fondamentales. »
Constantine