Avec le Dipri, retour aux origines abidji

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Chaque année, la fin du mois de mars ou d’avril, après Pâques, voit la mystique fête du sang se dérouler au nord-est d’Abidjan. Retour sur l’Histoire de cette célébration traditionnelle.

Retour aux sources, moment de communion entres vivants et ancêtres… le Dipri, ou « tomber dans la rivière [pour se purifier] », est une cérémonie traditionnelle annuelle. Durant une semaine, elle marque un renouveau spirituel et culturel, propre aux Abidji, dans les régions de Gomon, Sahuye, Sikensi ou encore Yaobou. Documentée depuis les années 1940, cette pratique puise ses racines dans la religion. Son surnom de « fête du sang » attise, chaque année, toutes les curiosités à l’internationale. Elle s’inspire d’un moment symbolique empli de mysticisme, associé à de la magie. Étape clé, l’aspersion du sang unit ainsi la communauté et initie les plus jeunes, dans une optique de purification et de protection. « Le Dipri est une période où les ancêtres sont appelés à bénir les vivants. C’est une forme de purification pour notre peuple, mais aussi une occasion de renforcer notre identité et nos liens […] », confie Koffi Kouadio, chef traditionnel abidji, lors de la célébration de l’année passée.

« La fête du sang »
Par le sacrifice d’un mouton, d’un chien et d’une volaille, le but est de renforcer le lien entre humains et monde spirituel, par le biais des ancêtres, guides protecteurs. Le sang de chacun de ces animaux possède des propriétés différentes. Celui du poulet permet de recueillir de la force et de la puissance. Celui du chien doit permettre de guérir plus rapidement ses plaies. Celui du mouton, d’amortir les attaques. Cela symbolise la puissance du Séké. Au lendemain, l’étape du « pkon » s’étale sur toute une journée. Ce combat contre les forces du mal se termine par la victoire des séképouénè.

Les cérémonies du Dipri, bien que marquées par des rites anciens, continuent d’évoluer, intégrant parfois des éléments contemporains tout en préservant l’essence mystique. Tous les ans, des initiations, des danses et des chants symboliques rythment le déroulement de l’évènement. L’année dernière, plusieurs jeunes ont été initiés à ces rites millénaires, héritant ainsi de la mémoire collective de la population. Loin de n’être qu’un rendez-vous religieux, la fête du sang incarne aussi une forme d’éducation communautaire. À travers la pratique, les jeunes générations sont formées à des valeurs profondes, comme l’importance du respect des ancêtres et leur rôle en société.

Le peuple abidji, gardien d’une culture ancestrale
« Le Dipri est une transition entre l’ancienne et la nouvelle année. Si on prend le calendrier abidji, nous sommes à notre 1er janvier. C’est un moment de joie, tout le village est en ébullition. » témoigne Mel Luc N’Guessan, président d’organisation du Dipri pour RTI, en 2024. Les Abidji, peuple appartenant à la grande famille des groupes Akan, sont installés autour de la lagune Abyssine, notamment dans les régions de Gomon et de Dabou. Leur culture valorise l’harmonie avec la nature et le respect des ancêtres. Elle se distingue de ce fait par une forte dimension spirituelle. La langue abidji reste, à ce jour, le vecteur principal de transmission de ces traditions.

Historiquement, les Abidji ont traversé diverses épreuves, entre migrations, conflits et réorganisations territoriales. Au-delà des bouleversements externes, leur culture perdure grâce à des rites comme le Dipri, jouant un rôle central dans leur identité. « Notre force réside dans notre capacité à préserver nos traditions, même face aux défis du temps […] », explique Assi Gervais, un intellectuel abidji et défenseur de la culture traditionnelle, lors d’une conférence en février dernier.

De manière plus générale, le Dipri s’inscrit également dans un mouvement de valorisation des patrimoines culturels africains. En 2024, le ministre de la Culture et de la Francophonie, Maurice Bandaman, soulignait ainsi son importance : « Le Dipri est un héritage précieux non seulement pour la Côte d’Ivoire, mais pour toute l’Afrique. Il est essentiel de préserver ces rituels pour que nos enfants connaissent l’âme de leur nation. […] »

Constantine

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