Burkina Faso – Côte d’Ivoire : des relations toujours tendues

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La rupture est-elle définitivement consommée entre Yamoussoukro et Ouagadougou ? Les accusations de « déstabilisation » ne manquent pas entre les deux capitales aux relations diplomatiques quasi-inexistantes.

D’un côté, un pays dirigé par un militaire, Ibrahim Traoré : le Burkina Faso. De l’autre, un pays présidé par un civil, Alassane Ouattara, démocratiquement élu : la Côte d’Ivoire. Il serait simpliste de résumer les tensions entre les deux pays, au seul prisme du régime politique qui gouverne chacun des pays. Cependant, force est de reconnaître que ce positionnement entrave les relations entre les deux dirigeants. Elles s’étaient distendues avec le coup d’État du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) en janvier 2022 quand Paul-Henri Sandaogo Damiba a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré. Elles se sont encore plus dégradées depuis le coup d’État du mois de septembre 2022 quand le capitaine Ibrahim Traoré a renversé le président de la Transition, Paul-Henri Damiba.

« Terroristes »

Les causes de cette animosité sont nombreuses et anciennes et rappellent par certains côtés la rivalité qui opposait Félix Houphouët-Boigny « le sage de l’Afrique » et père de l’indépendance ivoirienne à son bouillant voisin, le capitaine Thomas Sankara, père de la révolution burkinabè, assassiné puis enterré sommairement près de Ouagadougou. La seule différence tient sans doute au fait que les deux hommes étaient fascinés l’un par l’autre, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Le président Ouattara a bien tenté de réchauffer les relations entre les deux pays en apportant en novembre 2023 son soutien logistique au Mali dans le cadre de la lutte contre le terrorisme par le don de 1000 kalachnikovs, cinquante pick-up et des munitions à l’armée burkinabè. Peine perdue. Quelques mois plus tard, en avril 2024 le président de la transition burkinabè a livré une charge contre les autorités ivoiriennes, dénonçant leur « hypocrisie », les accusant d’héberger « les déstabilisateurs » de son régime* et de n’avoir pas réagi quand des « terroristes » ont franchi la frontière ivoirienne. Les deux pays ne disposent pas d’ambassades officielles mais de simples représentations diplomatiques à Ouagadougou et à Abidjan dirigées par des chargés d’affaires.

Campagnes subversives

On ne compte plus les incidents de part et d’autre de la frontière longue de plus de 600 km entre les deux pays. Fin mars 2023, un soldat burkinabè et un supplétif civil de l’armée ont été arrêtés dans le nord de la Côte d’Ivoire. Le 19 septembre 2023, ce sont deux gendarmes ivoiriens qui ont été interpellés en territoire burkinabè, alors qu’ils se trouvaient sur un site d’orpaillage clandestin. Ils n’ont été relâchés qu’à fin décembre 2024. En juillet dernier, les autorités ivoiriennes ont arrêté plusieurs jeunes ivoiriens, proches de Guillaume Soro, suspectés d’être allés se former au maniement des armes dans le pays voisin en vue de revenir et mener des opérations de déstabilisation en Côte d’Ivoire. Quelques semaines plus tard, le ministre burkinabé de la Sécurité, Mahamadou Sana, a accusé les autorités ivoiriennes d’accueillir des Burkinabés qui, selon lui, « se sont activés dans une entreprise de subversion ». Parmi eux, l’ancien ministre des affaires étrangères Alpha Barry, exilé à Abidjan. Derniers incidents en date : l’arrestation en janvier 2025, à Abidjan, d’Alino Faso, un activiste burkinabè, accusé d’appartenir au Bataillon d’intervention rapide de la communication (BIRC), une structure dirigée par le frère cadet du président Traoré… Sous couvert de ses activités de restaurateur, Alino Faso serait l’instigateur de campagnes subversives contre la Côte d’Ivoire. Cette nouvelle accusation a une fois de plus irrité les autorités burkinabè. De son côté, le pouvoir ivoirien est convaincu que Ouagadougou cherche à fragiliser le régime d’Alassane Ouattara à l’approche de l’élection présidentielle prévue en octobre 2025. C’est ce qui explique que le président de transition burkinabè et le chef de l’État ivoirien ne se parlent plus depuis des mois. Chacun est désormais convaincu que l’autre travaille à sa chute.

Constantine

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