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Partons d’une évidence : Alassane Ouattara, à travers le RHDP (Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix), coalition de 5 partis politiques ivoiriens, fondée le 18 mai 2005, a gagné toutes les élections depuis 2011 et réussi le pari de la relance économique. Alors que, de 2000 à 2010, la croissance économique n’était que 0,8 %, entre 2012 et 2018, sous les gouvernements successifs, la Côte d’Ivoire a connu un taux de croissance annuel moyen de 8,6 %. Le RHDP au pouvoir a su impulser une politique d’investissement et de réformes stratégiques qui, selon tous les observateurs, en particulier les bailleurs de fonds internationaux et les investisseurs, a fait de la Côte d’Ivoire l’une des économies les plus dynamiques de toute l’Afrique. Avec le PND (Plan National de Développement), le RHDP a atteint un premier objectif : doter le pays des infrastructures nécessaires à son développement dans tous les domaines et de consolider l’économie. On a pu parler de « second miracle économique » ivoirien, après celui qu’avait su réaliser Félix Houphouët-Boigny, le Père de la Nation. Mais, s’agit-il de créer un pays riche en tenant à l’écart des populations condamnées à rester pauvres et à vivre dans la précarité ? Le « miracle ivoirien », sous Houphouët-Boigny, était aussi un « miracle social », Houphouët déclarant, le 23 septembre 1965 : « Certes, nous ne sommes pas un pays socialiste, mais notre ambition est de réaliser (…) un social des plus hardis. »
Crise sociale, RHDP nouvelle formule, rupture avec Bédié
Si Le PND contenait déjà une dimension sociale, cette dimension était loin de répondre aux attentes des Ivoiriens, qui ont subi les effets d’un renchérissement du coût de la vie, en particulier les populations les plus fragiles, renchérissement dont le symbole aura été l’augmentation des tarifs de l’électricité. La marche vers l’émergence va connaître un frein à la fin 2016 et en janvier 2017 avec la chute des cours des matières premières, les mutineries et la reprise de la grève des fonctionnaires. Ouattara s’est-il souvenu de la phrase de Félix Houphouët-Boigny : « Ce que veut l’Ivoirien, c’est le partage de la richesse et non de la misère. » Conscient des difficultés que rencontrait le gouvernement, le Président de la République, dans son discours à la Nation du 31 décembre 2018, a annoncé un ambitieux programme social de près de 730 milliards de FCFA. Entre temps, en janvier 2017, Amadou Gon Coulibaly avait été nommé Premier ministre avec deux objectifs, la reprise en main politique du RHDP et l’application du programme social. Tout s’est accéléré à partir du 16 juillet 2018 avec la transformation du RHDP en parti politique. Le RHDP nouvelle formule, en organisant le 26 janvier 2019 son congrès ordinaire, est devenu le nouveau parti présidentiel. Malgré la rupture avec Bédié, pour qui la transformation du RHDP en parti politique signifie la mort du PDCI-RDA, l’objectif politique a été atteint. Il reste le social.
L’hypothèse Amadou Gon Coulibaly, candidat en 2020 ?
Cette hypothèse, avancée par de nombreux observateurs et qui aurait la faveur de Ouattara, ne peut être acceptée par les Ivoiriens qu’à la condition qu’Amadou Gon Coulibaly incarne la mise en œuvre de l’ambitieux plan social voulu par Ouattara. Les tweets postés par l’équipe d’Amadou Gon sur les réseaux sociaux montrent que le message a été reçu 5 sur 5 par le Premier ministre qui a, de toute évidence, su tirer les leçons de la crise politique et sociale de la fin de l’année 2016 et du début de 2017. Le RHDP nouvelle formule s’est totalement engagé derrière Amadou Gon Coulibaly afin de mettre en œuvre le PSGouv 2019-2020 (Programme social du gouvernement), dont les effets sont attendus dès la fin 2019. Il s’agit d’accélérer l’accès à la santé, à l’éducation, à l’eau, à l’électricité, etc. En même temps, le PFSP (Projet Filets Sociaux Productifs), initié en 2015, doit connaître un souffle nouveau et une ampleur nouvelle. L’avenir politique d’Amadou Gon Coulibaly, qui sait que le social est devenu la priorité des priorités, dépend de la réalisation de ce PSGouv 2019-2020. Un organe de suivi des objectifs du Programme Social du Gouvernement et de leur réalisation a été mis en place sous l’autorité du Premier ministre. L’heure est venue pour AGC de s’appuyer sur la réussite économique pour répondre aux aspirations des populations restées dans l’attente d’un meilleur partage des richesses.
Quel est le défi majeur que doit relever Amadou Gon Coulibaly, qui est aussi le défi de toute l’Afrique ? Réconcilier l’économie et le social. Ses chances d’être élu en 2020, s’il est candidat, en dépendent.
Christian Gambotti
Président du think tank Afrique & Partage
Directeur de la Coll. L’Afrique en Marche