Dernère publication
Ci dessous, l’intégralité de l’interview de El Hadj Alafé Wakili, parue mardi 24 septembre 2019 en Côte d’Ivoire dans le quotidien « Le Matin ».
Vous êtes désormais inscrit dans le cercle des Elhadj ivoiriens. Qu’est ce qui a motivé ce pèlerinage à la Mecque ? Un simple effet de mode ou une consécration d’une vie religieuse ?
Ce n’est pas un effet de mode, ce n’est non plus une consécration. C’est la poursuite d’un parcours, d’un cheminement, c’est une vie spirituelle, une adhésion à l’Islam qui a démarré depuis l’enfance. En cours de chemin, j’ai eu certainement des moments d’interrogations, des questionnements, et même de la révolte liée à l’adolescence, à la jeunesse . Avec ce pèlerinage, j’ai ressenti l’appel. C’est quelque chose de profond et je n’ai pas pu me dérober à cela.
Lors de ce séjour à la Mecque, Qu’est-ce qui vous a impressionné ?
Ce qui impressionne, c’est cet exercice d’humilité. Voyez-vous chacun quitte son mode de vie de tous les jours, on pourrait même dire son confort de tous les jours, pour aller dans un autre environnement. Un lieu où les gens bien portants et d’autres moins bien portants qui ont quelques difficultés pour se déplacer, sont présents. Un lieu où riches et pauvres se rencontrent et se fréquentent. C’est un peu comme avant la mort ou la maladie, qui font que les hommes qu’iIs soient puissants ou faibles, riches ou pauvres, arrivent par découvrir qu’ils ont les mêmes faiblesses. Quelle que soit ta situation sociale, quel que soit ton pouvoir, tu es impuissant face à certaine situation comme la mort et la maladie. Le pèlerinage nous donne cette opportunité de constater notre faiblesse devant Dieu. Cette humilité, cette ’’finitude’’ de l’homme par rapport à l’immensité de Dieu, est au cœur de cet acte d’adoration. Avec le pèlerinage, cela se ressent plus que jamais. J’ai donc retenu cette capacité d’égalité entre les hommes et les femmes. Ce sentiment d’humilité, de modestie et puis cette piété, cette dévotion à Allah, le Tout Puissant.
Alafé journaliste, écrivain patron de presse, aujourd’hui, Alafé El hadj. Est-ce la même personne ou qu’est ce qui change chez l’homme ?
C’est la même personne qui continue son parcours. Ce qui change, c’est qu’il y’a davantage de responsabilité, davantage de temps consacré à Dieu. Davantage d’engagements pour respecter l’ensemble des piliers de l’islam que l’on connaît . J’ai accompli tous ces piliers. Et Il s’agit maintenait dans la vie de tous les jours de manifester dans les comportements, les enseignements conseillés par l’islam et ses piliers : la profession de foi, reconnaître qu’il y a un seul Dieu et que le Prophète ( paix et salut sur son âme) est son envoyé, la prière, le jeûne , la Zakat, qui est l’aumône, puis le pèlerinage. Au-delà de ces 5 piliers de l’islam qui font un musulman pieux, le musulman accompli, il y a la vie de tous les jours dans laquelle, il faut engager générosité, disponibilité, solidarité, fraternité et amour. Donc, l’homme revenu de la Mecque que je suis , est l’homme qui au-delà de ces 5 piliers de l’islam, s’engage à vivre selon ces valeurs évoquées.
Est-ce qu’aller à la Mecque donne le droit d’être appelé un El Hadj ?
Le pèlerinage, c’est l’ensemble des rites qui sont accomplis. C’est tout ce qui a été fait par le prophète Mahomet, ( paix et salut sur âme, SAW ) . On nous appelle El Hadj, parce que nous sommes pèlerins, parce que nous avons accompli les rites. Nous avons effectué notre pèlerinage. Nous sommes des El Hadj, c’est à dire des pèlerins, des personnes qui ont accompli le parcours qui est une sorte d’épreuves physique, morale et spirituelle que nous réalisons sur nous-mêmes, comme le Messager d’Allah l’avait fait lui-même. Ce n’est pas donc pas comme beaucoup le pensent, un nom qui voulait dire étranger. C’est le pèlerin. Il peut donc être interne, saoudien et résident en terre d’Islam. Le pèlerin n’est pas forcément un étranger, ou une personne venant de l’étranger, de l’extérieur . C’est une tradition du prophète qu’on perpétue. Celui qui fait cela, qui effectue le pèlerinage n’est pas un étranger , c’est un El Hadj, , qui a accomplit les rites prévus durant le mois du pèlerinage, le mois de Dhur Al Hijjah. Les érudits , et exégètes sauront mieux le dire que moi.
Qui a financé votre séjour à la Mecque ?
Le financement du séjour est venu de moi-même. Je vous ai dit tantôt que c’est un appel, c’est-à-dire que je sentais l’appel depuis quelques années. Et puis l’an dernier, il y a eu les 15 ans de l’Intelligent d’Abidjan. Tout le monde a vu que c’était un succès, mais avant que ça devienne ce succès, il y a eu des moments difficiles. Vous savez, l’hôtel Ivoire, la salle fait 15 millions, on a négocié. De 200 personnes au départ on est arrivé à 600 personnes. Donc l’Ivoire simplement nous revenait 50 à 60 millions Fcfa et plusieurs semaines avant l’événement, il fallait bloquer la salle, et boucler tout, tout régler. Mais quand en janvier 2018, on décide de faire les 15 ans de l’Intelligent qui ont mobilisé près de 500 millions , on n’a pas même pas encore le budget. Vous voyez comment c’est extraordinaire, quand on a la foi, lorsqu’on a une vision ! C’est-à-dire en janvier 2018 , je fais une conférence de presse pour dire cette année, c’est l’année des 15 ans de l’Intelligent, et qu’on va faire les 15 ans sur toute l’année jusqu’en septembre. Au moment où je dis ça, on n’a même pas mobilisé ne serait-ce qu’un 10% du budget de 500 Fcfa millions. On s’est lancé quand même ; et en cours de chemin après le premier épisode en Février 2018 à Abidjan avant , d’aller à Paris, à New York et de revenir ici pour terminer, j’ai fait une prière à Dieu. J’ai dit : « oh mon Dieu, Allah le Très haut , on a lancé quelque chose, un grand challenge, un défi à relever . Je demande de nous éviter la honte, et je ne sais pas comment te remercier en retour, car en réalité tu n’attends rien de moi , mais la promesse que je peux faire, c’est à l’issue de ça, d’accomplir le pèlerinage, le dernier des piliers de l’Islam ».
J’ai souvent aidé des parents, et amis à partir en pèlerinage ! À cette époque, je ne sentais pas moi-même l’appel , je n’étais pas prêt ! Ce fut le cas cette année ! Je suis issu d’une famille musulmane, très croyante depuis toujours. Mais comme vous le savez, et comme la religion le recommande, je suis ouvert à toutes les religions, et je demeure croyant ! Mon épouse, mes amis, mes employés , je ne les ai pas choisis , ou fréquentés sur la base de la religion.
C’était quelque chose que j’ai ressenti pour cette année au-delà d’une promesse à tenir. Je me suis donc engagé pleinement ! Il y a des amis qui m’ont ensuite aidé pour faciliter le séjour , lorsqu’ils ont appris que je partais à la Mecque. Nous aussi, on a l’habitude d’aider des gens, si en retour on nous aide, il n’y a pas de problèmes (rires).
Mais le pèlerinage, je l’ai payé moi-même sur les conseils du DG de la Sotra. J’étais allé le voir pour l’informer de mon intention, et il m’a donné de bons conseils.
Dans le pèlerinage, il est conseillé de s’assurer que l’argent qui permet de le faire est licite, qu’il s’agit de l’argent gagné honnêtement et non de l’argent gagné façon illicite, pas de l’argent d’escroquerie, du vol, issu du mensonge. Je me suis arrangé pour faire en sorte que mon pèlerinage ne soit pas entaché par des choses illicites. J’aimerais remercier Sotra Tourisme et le DG. Permettez-moi également de saluer tous les membres de notre groupe, avec qui nous avons passé de bons moments, sans oublier tous les pèlerins de cette année.
Je remercie toutes les bonnes volontés qui ont fait des prières pour nous, et avec nous sur place. Félicitations à nos trois imams, aux encadreurs, au médecin, à Karim Traoré.
Permettez-moi de remercier également le Président de la République et son épouse, la Première dame. Quand vous avez le privilège de voir ces hautes personnalités prendre de vos nouvelles, et vous manifester de l’attention, je pense que cela vaut beaucoup plus que le matériel.
Journaliste, vous arrivez à la Mecque. Qu’est-ce que vous pouvez dire à propos de la bousculade qui a fait de nombreux morts dont des Ivoiriens il y a quelques années ?
J’ai entendu beaucoup de choses et de retour ici, j’attends d’autres choses. Vous savez, il y a la déformation professionnelle. Quand je partais, j’ai fait la promesse de m’éloigner des papiers de Une de mon journal. Et ce pèlerinage était l’occasion pour moi de faire une pause, puisqu’en 15 ans de l’Intelligent d’Abidjan et aussi depuis le National, j’ai toujours supervisé les papiers qui passaient à la Une. Au début à la Mecque, j’avais l’œil du croyant et non celui du professionnel, du journaliste. Je ne voulais rien faire. Mais le virus de ce métier m’a piqué, surtout que dans le groupe, certaines personnes ne manquaient de me chahuter en rappelant mon rôle en tant que journaliste, en disant qu’ils s’attendaient à lire un jour mon reportage, les hauts et les bas.Rires…
Relativement à votre question, je dirai qu’on s’en tient à la version officielle, celle de la bousculade et celle du chiffre officiel qui a été donné et qui est contesté au niveau des morts. Il y a eu des survivants de ce pèlerinage-là qui étaient encore avec nous cette année. C’était en 2015, quatre à cinq pèlerinages après, ils étaient là et nous disaient c’est ici ça s’est passé. On était compatissant en pensant aux victimes, et reconnaissant à Allah d’avoir pu nous en sortir.
On préfère s’en tenir à la version officielle donnée par l’Arabie Saoudite et dire merci à Dieu pour le repos de l’âme de ceux qui en terre sainte n’ont pas pu revenir et sont morts là-bas.
Voyez vous, là-bas, on n’a pas voulu céder à la fatigue et la chaleur, pendant le pèlerinage . Nous étions enthousiastes. C’est arrivé ici au bercail que beaucoup de pèlerins ont commencé à sentir les effets. On paraissait transporté par la foi. On était prêt à tous les efforts sur place. Lorsque tout se passe, bien on ne peut qu’être reconnaissant à Allah, et continuer de l’honorer , de le prier , en respectant l’ensemble des préceptes et des valeurs de vie : intégrité, honnêteté, partage, solidarité, générosité, fraternité.
In « Le Matin » avec Kouadio Bebey et Annoncia Sehoué