Danièle Boni opposée à la nouvelle sur la presse mais : “la liberté d’expression n’est pas absolue. Elle est limitée par …”

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Dernère publication

Revêtant le manteau de journaliste professionnelle de formation, la Présidente de l’URD monte au créneau contre le nouveau projet de loi sur la presse qui fait débat.

La liberté d’expression est un principe démocratique fondamental et l’un des plus beaux piliers de la liberté. Cette liberté, certes, n’est pas absolue. Elle est limitée par le respect d’autrui, l’atteinte à l’honneur, à la réputation, à la vie privée, l’incitation à la haine raciale, à la xénophobie, toutes infractions déjà punies par la loi.
D’où vient alors qu’un projet de loi sur la presse vient porter l’estocade à toutes les libertés chèrement acquises pendant près de trente années de lutte des hommes de presse.
N’ayons pas la mémoire courte. Au-delà des clivages politiques, les journalistes et les entreprises de presse de quelque bord qu’ils soient, ont payé un lourd tribut pour conquérir des espaces de liberté et notamment la dépénalisation des délits de presse.
Qui ne se souvient des sièges d’entreprise de presse brulés, des kiosques dévastés parce que vendant des publications soutenant l’un et l’autre camp, des journalistes molestés, enlevés, emprisonnés arbitrairement et tout dernièrement mis en garde à vue parce qu’ils faisaient tout bonnement leur travail d’information de l’opinion publique sur les mutineries de Bouaké.

En quoi serait-il inadmissible que les contribuables que nous sommes ne soient pas mis au courant d’une dette privée que l’on veut nous imputer.
L’article 89 du projet de loi stipule que la détention privative et la peine d’emprisonnement sont exclues mais tout est remis en cause à l’article 90 et 91, alinéa a. L’allégation, nous dit-on, est « une affirmation » étayée par une citation tirée de « quelque texte autorisé ». Même si le journaliste s’appuie sur une citation connue de tous, son imputation est punissable et l’utilisation du conditionnel ne le protègera pas. Cela signifie que les lignes éditoriales qui caractérisent chaque organe de presse vont disparaître. En effet, la ligne éditoriale d’un organe de presse est sa vitrine idéologique qui donne un style, un contenu, un positionnement de la rédaction. Cette ligne reflète l’intérêt porté à tel fait de société et conditionne les traitements de l’actualité.

Or, ce projet de loi menace l’identité des journaux. Tout commentaire qui ne relève pas de la pensée unique dominante pourra être l’objet d’interprétation abusive d’autant que l’imputation n’a plus le droit de se référer à des faits remontant à plus de 10 ans.
En abrogeant les anciennes libertés durement acquises, en plus de museler la diversité des opinions, on veut imposer au peuple de Côte d’Ivoire, la loi de l’oubli, on veut le rendre amnésique, oublieux de son passé et de son histoire, notamment de la crise postélectorale et de la rébellion de 2002.
Aussi, demandons-nous aux députés de la Nation de ne pas entériner une remise en cause de la dépénalisation des délits de presse et au gouvernement de retirer ce projet de loi. Il n’est pas approprié de s’attaquer à un secteur aussi sensible que la presse surtout dans une période où tous les mécontentements s’expriment. Il serait bon et noble que ceux qui nous gouvernent admettent leur erreur et ne se focalisent pas sur ce projet de loi liberticide mais cherchent plutôt à entamer avec les professionnels un dialogue consensuel en vue de favoriser un journalisme libre et de qualité.

D. BONI CLAVERIE.
PRESIDENTE DE L’URD
JOURNALISTE.

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