De l’éligibilité de Ouattara au regard de la jurisprudence sénégalaise (GUIBESSONGUI N’Datien Séverin)

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Dernère publication

La vie politique ivoirienne est marquée, de façon cyclique et constante depuis 1995, par des débats juridiques, de spécialistes ou non, autour de l’éligibilité des candidats majeurs ou favoris à l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire.

L’élimination par les textes ou par l’application subjective des textes, continue de nourrir certains esprits et non des moindres. Or, la quête légitime des suffrages par les potentiels candidats devrait, en mon sens, supplanter les velléités d’élimination par des interprétations parcellaires, partiales et partisanes des textes constitutionnels.

Certes, le débat est nécessaire car il nourrit la démocratie mais, l’esprit qui le sous-tend peut être nuisible à la démocratie, s’il n’est pas sain et visité par la sagesse juridique et politique.

Le Président de la République en exercice, Alassane OUATTARA est-il éligible ou non au regard du droit positif ivoirien ou de la nouvelle Constitution ivoirienne ? Pour y répondre, j’emprunterai une double démarche juridique. L’une est négative (ce que la Constitution ne dit pas) et l’autre positive (ce que la Constitution dit).

Le fondement jurisprudentiel

La jurisprudence constitutionnelle peut servir de fondement à la question de l’éligibilité du Président de la République. Au Sénégal, après l’élection de Monsieur Abdoulaye WADE le 29 mars 2000, investi le 1er août 2000, une nouvelle Constitution est adoptée par référendum le 7 janvier 2001.

Maître Abdoulaye WADE achève son mandat de sept ans et est réélu en 2007 pour un quinquennat, conformément à la nouvelle Constitution 2001. Ainsi, l’élection de Monsieur Abdoulaye WADE a eu lieu le 29 mars 2000 sous la Constitution de 1963 et il a été réélu le 25 février 2007 sous la Constitution de 2001.

Dans le cadre de l’élection présidentielle du 26 février 2012, dix (10) candidats à cette élection ont, par requête, demandé au juge constitutionnel l’annulation de la candidature de Monsieur Abdoulaye WADE retenue sur la liste publiée le 27 janvier 2012 par le Conseil constitutionnel, au motif tiré de son inéligibilité au regard de la Constitution de 2001.

Selon eux, il serait à son troisième mandat alors que l’article 27 de la Constitution sénégalaise de 2001 limite le nombre de mandats du Président de la République à deux.

Suite à cette requête, le Conseil Constitutionnel a, dans sa décision N° 3 à 10/E/12 et 12 à 14/E/12 DU 29 JANVIER 2012, déclaré non fondées les requêtes tendant à annuler la candidature du Monsieur Abdoulaye WADE pour inconstitutionnalité.

Le juge constitutionnel sénégalais a considéré « que le Président de la République, sous la Constitution de 2001, effectue un premier mandat durant la période 2007/2012 ; qu’il est donc en droit de se présenter à l’élection du 26 février 2012 », pour un second mandat. Pour le Conseil Constitutionnel, « sauf mention expresse, la limitation du mandat du Président de la République à un seul renouvellement ne peut concerner, sans incohérence, le mandat exercé sous l’ancienne Constitution ».

Au regard de cette position jurisprudentielle sénégalaise, le Président de la République en exercice, Alassane OUATTARA, étant dans une situation juridique identique, est éligible pour un premier mandat durant la période 2020/ 2025. Il est donc en droit de se présenter à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020.


Dr. GUIBESSONGUI N’Datien Séverin

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