Dernère publication
La célébration du IIIème Anniversaire de l’Appel de Daoukro était attendue par la classe politique ivoirienne, par les militants du PDCI-RDA et du RDR et par plusieurs observateurs.
Le président Bédié allait-il tenir un discours de rupture avec le RDR, ou s’engager sur la voie de l’apaisement des tensions, telles qu’elles ont pu exister ces derniers mois, avec, comme points d’orgue, l’entretien accordé par Bédié au magazine Jeune Afrique et le soutien apporté à Soro, son « jeune protégé » alors qu’il était en difficulté après l’affaire de la découverte d’armes à Bouaké ?
En représailles de cette période désormais oubliée mais évoquée par le chef du Pdci , alors que le Président Bédié n’avait pas été informé, il y’avait eu le limogeage brutal par le Président Ouattara de Niamien N’Goran, de l’IGE. Il n’en fallait pas plus pour que certains parlent d’une rupture consommée entre Bédié et Ouattara et annoncent même la fin du RHDP. Il faut dire que, depuis plusieurs mois, la tension semblait réelle et grande entre les deux partis. L’hypothèse d’un renversement d’alliances avait même été avancée avec comme mot d’ordre « tous contre le Rdr », jugé hégémonique.
Force est de constater qu’au milieu de la tempête Ouattara et Bédié ont su garder leur calme et contrôler leurs troupes, sans jamais céder à la tentation de la rupture. Les premiers signes d’apaisement apparaissent du côté de Bédié qui, après un long séjour en France, délivre un message d’apaisement et réaffirme son engagement et sa loyauté à l’égard du Président de la République dans le cadre du RHDP. Ce message est reçu 5 sur 5 par Ouattara qui, dans sa prise de parole, lors de l’ouverture du 3ème Congrès ordinaire du Rdr, délivre, à son tour, un message d’apaisement : 2020 est encore loin et les décisions se prendront d’un commun accord avec Bédié, dans le cadre du RHDP.
En réalité, Ouattara et Bédié ont toujours été sur la même longueur d’ondes avec l’objectif d’aller vers le « parti unifié », qui n’est pas le « parti unique » obligeant chacun à renoncer à son identité et son histoire propre.
Fins politiques, mais aussi hommes d’État , Bédié et Ouattara ont deux objectifs : gagner les élections et bâtir une Côte d’Ivoire nouvelle. Le RHDP a permis de gagner toutes les élections, l’Appel de Daoukro a permis ce plébiscite en faveur du candidat RHDP, Alassane Ouattara, réélu avec plus de 83 % des voix. Pourquoi se priver d’un tel outil, le RHDP étant à la fois une machine électorale, mais aussi une alliance qui se nourrit des valeurs de l’houphouétisme, ce socle de convictions commun à tous les partis qui constituent le RHDP. Parmi ces valeurs, figure cette obsession de la Paix, rappelée sans cesse par Ouattara et Bédié, qui savent que les populations ivoiriennes sont encore meurtries par la crise politico-militaire des années 1999-2002 et par la crise post-électorale de 2010-2011. Sans la Paix et sans la stabilité politique, il ne peut pas y avoir de développement économique et social. Le RHDP a permis de créer les conditions d’une stabilité politique qui a eu pour effet le redressement du pays. La Côte d’Ivoire, autrefois marginalisée, a retrouvé son rang et sa place dans l’économie africaine et dans les échanges commerciaux mondiaux. Son élection au Conseil de Sécurité de l’ONU, comme membre non permanent, marque une nouvelle étape dans le repositionnement diplomatique du pays. Bédié et Ouattara pouvaient-ils laisser se détériorer ce bilan pour de basses considérations politiciennes et partisanes ? Évidemment, non.
[ La logique de l’apaisement ]
Le discours prononcé par le Président Bédié, lors de l’ouverture du IIIè anniversaire de l’Appel de Daoukro, est, sans ambiguïté, une invitation à l’apaisement. Il a rappelé que, le 17 septembre 2014, accueillant le Président Ouattara, sur cette même place de Daoukro, dans le message de bienvenue adressé au Président de la République, il lançait ce que l’Histoire a retenu sous le nom d’Appel de Daoukro, c’est-à-dire la candidature de Ouattara pour le PDCI malgré les dispositions prises antérieurement de présenter un candidat PDCI. Bédié savait qu’il allait contre ce que voulaient de nombreux cadres et dirigeants du PDCI, mais il avait le sentiment de travailler pour l’Histoire.
Mais, l’Appel de DAOUKRO était aussi une manière de maîtriser l’histoire immédiate, contingente, l’objectif d’une candidature unique étant d’assurer le succès du RHDP en 2015 et aboutir à un « parti unifié » pour gouverner, avec l’idée d’une alternance entre les deux partis pour 2020. L’objectif des victoires électorales a été atteint. Le « parti unifié » reste l’un des objectifs majeurs que souhaitent atteindre Ouattara et Bédié dans la perspective de 2020. Ouattara l’a dit lors du Congrès du Rdr. Bédié l’a redit, le 17 septembre 2017 à Daoukro
A Daoukro, Bédié a dénoncé une vie politique arrêtée, focalisée uniquement sur 2020. Il a dénoncé les discussions vaines et stériles, qui se poursuivent, malgré la volonté chez Ouattara et lui-même de les faire cesser. S’adressant aux dirigeants et cadres du PDCI et du RDR, il leur dit : « Nous devons désarmer nos troupes, taire nos verbiages creux, nos dérives langagières, faire cesser les remous. » Il fixe aux deux alliés et aux autres membres de la coalition un seul objectif : renforcer le RHDP pour consolider la Paix. Si les ambitions de certains sont légitimes, ces ambitions doivent être coordonnées dans le cadre du RHDP. Aujourd’hui, le Vice-président est un PDCI, le Premier ministre un Rdr, cet attelage fonctionne. Tous, au sein du PDCI et du Rdr, doivent laisser le gouvernement travailler, rappelant que chacun, dans le cadre du RHDP, a tenu parole. Le PDCI a tenu tous ses engagements.
Bédié a certes salué et remercié tous ceux qui étaient présents à Daoukro, en particulier les représentants du Rdr (Henriette Diabaté, Kandia Kamara, Hamed Bakayako) et de Guillaume Soro ( oublié par tous mais cité par Bédié en sixième position et non d’un protocole Rhdp, et non d’État ou institutionnel car il faut dans l’esprit du Président du Pdci savoir le ménager pour qu’il soit un avocat de l’alternance en faveur du Pdci en 2020), mais il a tenu à remercier Niamien N’Goran, que l’on a présenté à tort comme un adversaire de l’Appel de Daoukro, et Zié Daouda Coulibaly, le député de Yopougon. Niamien N’Goran est le Président du Comité d’organisation de l’Anniversaire de l’Appel de Daoukro, Zié Daouda Coulibaly, esprit dynamique et créatif, en est la cheville ouvrière. Figures du PDCI, fidèles parmi les fidèles du Président Bédié, Niamien N’Goran et Zié Daouda Coulibaly sont totalement investis dans la réussite du RHDP, qu’ils voient déjà en puissance 6 en septembre 2020.
[ Un brin d’humour ]
Si le Discours de Bédié a été empreint d’une certaine solennité et d’une certaine gravité, parce qu’il a placé chacun face à ses responsabilités, il n’a pas oublié de faire un peu d’humour par rapport aux tensions récentes, rappelant que, dans une alliance, il y’a des hauts et des bas.
Prenant l’exemple de la langue et des dents, qui vivent dans la même cavité, il a rappelé qu’il arrive aux dents de mordre la langue. Mais, aucun des deux ne songe à quitter la bouche. Un brin de poésie sentimentale aussi ( un message aux jeunes mais également un appel à la responsabilité de vie de couple pour tout leader politique) , lorsqu’il a fait venir Madame Bédié sur la tribune, l’appelant, sous les applaudissements, sa « biche royale ». Un peu de malice aussi et d’humour aussi, lorsqu’il a dit : « avec une femme d’une telle qualité, vous n’aurez jamais le « goumin goumin ». Le Président Bédié est un homme de son temps, et dans son temps. Il montre qu’il n’est pas du tout déconnecté.
Wakili Alafé