Henry N’Koumo, Directeur du Livre au ministère de la Culture : “Voici les problèmes qui minent le Livre en Côte d’Ivoire”

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Il est le Directeur du Livre, des Arts plastiques et visuels au ministère de la Culture et de la Francophonie. 

Henry N’Koumo  explique toute la politique et stratégie que la Côte d’Ivoire utilise pour faire  la  promotion de la lecture, de l’écriture et autres arts.  Qui est libraire ? Qui est éditeur? Qui est imprimeur ? Dans cette interview, il dit tout.

Quel est l’état  des lieux du Livre en Côte d’Ivoire ?
Le Livre de Côte d’Ivoire, de façon générale, se porte bien. Et je le dis sur la base de la quantité d’ouvrages que nos auteurs mettent sur le marché. Il y a, à chaque année, une moyenne de 75 livres que nos auteurs offrent à  leurs lecteurs. Par ailleurs, en termes d’édition, nous sommes passés de 6 à 7 maisons d’édition autour des années 2000 à 43 maisons d’édition aujourd’hui. Au regard de cela, on peut dire que le Livre se porte bien. Mais parce qu’il y a souvent un mais…, Le secteur du Livre se trouve gangrené par un phénomène terrible ;  c’est la contrefaçon d’ouvrage. Une maison d’édition en 2014 a estimé à deux cent cinquante millions (250, 000,000)  ses pertes dues  à  la présence d’ouvrages contrefaits sur le marché. Pour trouver quelques solutions à ce problème, le ministère est en train de conduire de grands programmes avec l’ensemble des professionnels du Livre. Le Livre se porte bien parce que, désormais, le secteur se trouve réglementé par la toute première loi portant industrie du Livre   qui  a été votée et promulguée en 2015. Cette loi sert de ligne droite pour l’ensemble des professionnels qui vont en tirer le meilleur bénéfice lorsque les décrets d’application seront signés.

Quelles sont les différents thèmes qui sont appréciés par les lecteurs ?
Les thèmes du point de vue du contenu des écrits, de façon générale chaque maison d’édition a sa ligne philosophique. Certaines maisons prennent sur elles, le risque d’éditer de jeunes auteurs. C’est le cas des éditions Balafons qui, bon an, mal an,  publient une cinquantaine de titres d’auteurs inconnus ou méconnus. Et il y a des maisons d’éditions qui misent sur des auteurs confirmés. Mais de façon générale, la question des thèmes est secondaire. Le plus important, c’est  que les manuscrits qui sont proposés à nos éditeurs soient des manuscrits de qualité qui soient porteurs d’énergie et qui aident à nourrir l’esprit des lecteurs. C’est d’abord, ces éléments qui sont primordiaux dans le choix des ouvrages et manuscrits à publier.

En tant que directeur du Livre, comment alliez-vous économie, promotion et politique du Livre ?
Vous savez,  le Livre est d’abord un outil commercial avant d’être un outil culturel. Parce que les maisons d’édition qui investissent dans la publication  d’ouvrages jouent constamment leur survie. Elles sont nombreuses, les jeunes maisons d’édition qui sont obligées de s’assurer que les ouvrages qu’elles éditent permettent de renflouer les caisses afin de continuer la chaîne de production. Mais de façon générale, le Livre, dans la perspective économique, est vécu avec une justesse et un réalisme par l’ensemble de nos éditeurs.
Le ministère de la Culture et de la Francophonie est très heureux de savoir que l’association des éditeurs  ivoiriens encadre la plupart des maisons d’édition et les aide   à faire vivre au plan commercial les jeunes maisons d’édition.  Vous savez, le fait pour le ministère de la Culture et la Francophonie de relancer le Salon du Livre, notamment  le Salon International du Livre d’Abidjan (SILA) ou le Salon du Livre pour enfant  contribue à la dynamique économique du Livre. Parce qu’à l’occasion de ces salons, les échanges commerciaux sont assez dynamiques et les échanges professionnels entre les acteurs du secteur sont également dynamiques.  Ces salons  sont des activités structurantes et toute énergie économique se trouve représentée à l’occasion de leur organisation  .  Par ailleurs, nous constatons une relative faiblesse au plan de la promotion des ouvrages et  celle-ci  affecte l’économie du Livre parce que plus, on parle du Livre plus, on le promeut et mieux les populations se l’approprient.
Mais de ce point de vue, nous pensons que nous sommes sur la bonne voie parce que les jeunes ou les enfants de plus en plus se rapprochent du Livre et cela a été le cas au Salon du Livre pour enfants et nous sommes certains que de manière constante, les jeunes qui sont en train d’être les défenseurs du Livre seront de gros lecteurs demain.

Quelle est la politique que vous mettez en place pour faire la promotion du Livre en Côte d’Ivoire ?
 La politique que nous mettons en place est une politique globalisante et structurante. La première des choses qu’il fallait faire et c’est ce que monsieur le ministre de la Culture a eu à proposer.  C’était de donner une loi au secteur du Livre qui servirait de grande boussole et qui déterminerait les grands champs d’intervention. Donc, la loi a été votée et elle a de gros avantage pour l’ensemble des professionnels. Il est prévu par exemple dans la loi « que toute la chaîne du Livre sera respectée. Que les acheteurs institutionnels ne doivent plus s’approprier ou  acquérir des ouvrages auprès des éditeurs mais, en bout de chaîne auprès des libraires. » Ce qui fait que toute la chaîne  est alimentée  par les ressources liées à l’achat des ouvrages. Deuxièmement, la loi prévoit l’organisation au plan structurel de toutes les maisons d’édition et de tous les corps du métier qui interviennent dans la chaîne du Livre. Qui est libraire ? Qui est éditeur? Qui est imprimeur ? Et en identifiant ces corps de métier, il est mis en place une politique qui permet d’éviter la présence de mauvais grains dans ces milieux. Mais au-delà de la loi, la politique qui est mise en place, je  l’ai dite est une politique globalisante. Il faut d’abord éveiller le goût du Livre au sein des populations. C’est ce qui est fait avec l’organisation des salons. Il faut appeler l’attention de tous les professionnels sur la nécessité de s’impliquer sur la protection du Livre, ce qui est en train d’être fait. Et le combat contre ceux qui déversent sur le marché des ouvrages contrefaits est un combat que nous menons avec l’appui du comité national de lutte contre la contrefaçon. Par ailleurs, il est programmé de très nombreuses séances de dédicaces aussi bien par les maisons d’édition que par les libraires. Et c’est tout cet ensemble qui contribue à la dynamique du Livre. Et ensuite, elles sont nombreuses les associations qui, dans le cadre de leur activité, font une promotion intense du Livre. Je peux citer quelque unes de ces associations. Il y a ‘’Akwaba Culture’’, l’association ‘’Point de lecture’’, ‘’Les mots d’ombres livresques’’, ‘’Les amis du livre ‘’. Elles sont nombreuses, ces associations qui aident à la vitalité du Livre auprès des populations. Et puis, il y a les Prix littéraires qui donnent l’occasion d’attirer l’attention des populations sur de très bonnes productions. Et c’est pour cela que le ministère de la Culture soutient le ‘’Prix ivoire’’ créé par l’association ‘’Akoua culture’’. C’est pour cela, également que le ministère a créé des Prix littéraires. C’est notamment le cas du grand Prix national, Bernard Dadié de littérature, du Prix national Bernard Dadié du jeune écrivain. Et  puis à cela, il faut ajouter les Prix créés par d’autres associations un peu comme le ‘’Prix Seize Gras’’ qui est décerné aux auteurs jeunes qui sont dans les lycées ensuite les différents Prix créés par l’association des écrivains de Côte d’Ivoire. Notons qu’il y a tout un florilège qui permet à notre Livre de vivre un dynamisme heureux. Et c’est justement parce que le Livre est quelque chose qui vit bien en Côte d’Ivoire qu’elle est souvent sollicitée comme pays invité d’honneur à des manifestations extérieures. Elle a été le pays  invité  d’honneur depuis quelques années de la Foire internationale du Livre de Ouagadougou, de la Foire du Livre de Dakar, des Soixante- douze heures du Livre de Conakry. La Côte d’Ivoire a été le pays africain présent à la tenue du Salon du Livre de Martinique. Elle  est présente dans divers autres salons comme le Salon du livre du Niger, le Salon du Livre du Cameroun, le Salon du Livre de Casablanca et pour d’autres activités essentielles internationales.

Justement, est-ce que l’écrivain ivoirien vit de sa plume ?
Mais, il faut savoir une chose, le secteur du livre est proche du secteur du sport. Dans le sport, il y a beaucoup de milliards qui circulent mais, ces milliards sont le fait d’un nombre assez limité de joueurs sur les milliers de footballeurs que nous avons de par le monde. En France par exemple, elles ne sont pas nombreuses les personnes qui vivent de leur métier d’écrivain et en Europe de façon générale. Elles  ne sont pas nombreuses ces personnes qui vivent de leur métier d’écrivain. C’est également le cas de la Côte d’Ivoire. Le Livre de Côte d’Ivoire est de bonne  qualité certes, mais  ne permet pas aux écrivains de vivre pleinement de leur métier. Et ils sont nombreux, les écrivains qui ont une activité première et l’activité d’écrivain devient une activité secondaire. Mais, quelques uns vivent de leur plume.   Ils  ne sont pas nombreux. On écrit souvent pas pour se faire de l’argent, on est écrivain parce qu’on veut communiquer des choses qui nous habitent. Parce qu’on veut rendre présent l’imaginaire qu’on a en soi. C’est d’abord cela la littérature. C’est d’abord cela l’écriture. La dimension pécuniaire vient après voilà.

En Côte d’Ivoire,  peut-on citer un seul  nom d’écrivain qui vit de sa plume ?
Bon ! Par exemple, Esaie Biton Coulibaly vit de sa plume. C’est connu, vu qu’il passe une retraite agréable en vivant de sa plume.

Si vous avez un conseil à donner aux jeunes écrivains, que  leur direz-vous ?
Le premier conseil à  donner à un jeune écrivain, c’est de l’inviter à lire et à lire. On ne s’engage à l’écriture que lorsqu’on a beaucoup lu et qu’on a fini par identifier des éléments-moteurs qui peuvent permettre l’écriture d’un très bon manuscrit donc, la lecture. Ensuite, que les jeunes auteurs participent avec enthousiasme aux ateliers d’écriture qui sont organisés. Soit à l’occasion des Salons du Livre du ministère de la Culture, soit par des structures, des associations comme Voyelles  qui est un espace où les jeunes auteurs apprennent à construire des personnages, apprennent à structurer des dialogues, apprennent un grand nombre de choses. Mais, c’est d’abord la lecture qui permet de construire une personnalité littéraire qui favorise la maîtrise par le jeune auteur de son écriture.

Nous sommes en début d’année, sous quel sceau placez-vous le Livre pour 2017?
D’abord, nous plaçons la vie du Livre en 2017 dans le sens de la continuité des performances que nous avons obtenues. Le Livre de Côte d’Ivoire a repris sa place au plan international. Nos auteurs connaissent la renommée aussi bien à l’intérieur de la Côte d’Ivoire qu’à l’extérieur. Il nous faut donc maintenir vivant ce souffle et puis faire en sorte que la flamme allumée continue de briller pour notre littérature. Et je suis certain que pour 2017, on devrait pouvoir retenir des Prix littéraires de qualité signe de rayonnement de notre littérature et de nos écrivains.

Réalisée  par M.Ouattara/Coll : JAMS

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