HOMMAGE- Merci l’artiste ou L’hommage de Wakili Alafé à Isaie Biton Koulibaly, un grand écrivain ivoirien

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Isaie Biton Koulibaly

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Isaie Biton Koulibaly, un grand écrivain ivoirien, vient de décéder à Abidjan le 10 novembre 2021. Il est sûrement l’écrivain le plus lu et le plus populaire de Côte d’Ivoire. C’est aussi un écrivain dont l’abondante production (nouvelles, romans, essais…) fait qu’il a été souvent ignoré par la critique.

Les questions que pose l’’œuvre d’Isaie Biton Koulibaly sont les suivantes : qu’est-ce que la littérature ? À qui l’œuvre littéraire est-elle destinée ?

Ces deux questions se posent à nouveau au moment où, pour la première fois, le prestigieux Prix Goncourt a été attribué à un écrivain d’Afrique subsaharienne, l’auteur sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, récompensé pour son 4ème roman, « La plus secrète mémoire des hommes », coédité par Philippe Rey et Jimsaan. Pourquoi parler de Mohamed Nbougar Sarr alors qu’il est question de rendre hommage à Isaie Biton Koulibaly ?
Ces deux écrivains posent, de façon diamétralement opposée, la question de la littérature. Sarr publie un lourd roman de plus de 400 pages, une œuvre cérébrale, très intellectuelle, voire conceptuelle, qui explore tous les genres littéraires. Son écriture est complexe. Il sera difficile, pour certains lecteurs, d’entrer dans son roman. On peut penser au roman de James Joyce, Ulysse. Sarr est encensé par la critique, il contribue à l’expansion mondiale de la littérature africaine d’expression française.
Isaie Biton Koulibaly est l’inverse de Sarr, il publie plus de 90 nouvelles, des œuvres courtes, dont l’écriture se caractérise par sa clarté, sa simplicité. On peut parler de littérature populaire, que l’on peut rattacher au genre des romans de gare, des œuvres qui se lisent le temps d’un voyage en train, en bus.
Être un écrivain populaire et prolixe, le plus lu de Côte d’Ivoire, peut conduire à être ignoré par une certaine frange des acteurs de la critique. Il faut ajouter à cela le choix de certains thèmes comme les états d’âme, les tribulations et drames de la femme ivoirienne. Isaie Biton Koulibaly, a commis deux romans de la collection à l’eau de rose lancée par les Nouvelles éditions ivoiriennes (NEI), « Adoras », sous le pseudonyme B. Williams : « Sugar Daddy, une jeune fille aime un tonton », « Tu seras mon épouse ». En France, les auteurs de la Collection Arlequin souffrent du même désaveu.

Or, pour Isaie Biton Koulibaly, la littérature doit être avant tout une littérature populaire, lue par le plus grand nombre, lue aussi par les femmes. Son premier grand succès, publié en 1987, sera son recueil de nouvelles « Ah ! Les Femmes ». Les couvertures de ses livres sont illustrées par des jeunes femmes belles, qui sont l’obsession des hommes, selon Isaie Biton Koulibaly. Elles seraient condamnées aujourd’hui par les mouvements néoféministes. Oublions ces couvertures qui répondent aux codes d’une époque et lisons l’œuvre d’ Isaie Biton Koulibaly, elle le mérite. Son succès est énorme en Côte d’Ivoire et il dépasse largement les frontières ivoiriennes. On trouve à Niamey, à Bamako, à Cotonou, des fan-clubs Isaïe Biton Koulibaly. L’œuvre d’Isaie Biton Koulibaly est moins superficielle qu’on veut bien le dire. Elle nous interroge sur la place des femmes dans la société, le rapport des femmes aux hommes de pouvoir.
Il est temps de redécouvrir l’œuvre d’un grand écrivain qui a obtenu de nombreux Prix littéraires : le prix NYONDA honorant le père du théâtre gabonais Vincent de Paul NYONDA pour son roman « Merci l’artiste » ; le grand prix ivoirien des lettres, en 2005, pour « Puissance des lettres » ; le prix Yambo Ouelogueum en 2008 pour « Et pourtant, elle pleurait ».
J’ai envie de dire à Isaie Biton Koulibaly « merci l’artiste ». Tu m’as fait comprendre, à moi qui aime toutes les littératures, y compris la littérature populaire, deux choses : « la puissance des lettres » et, à propos de la femme, que « pourtant, elle pleurait ». C’est dans la littérature populaire que se trouve la vraie vie.

Wakili Alafé

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