Dernère publication
Les périodes électorales se caractérisent par une effervescence politique qui se traduit par de nombreuses dérives. Les phénomènes de désinformation, qui ont toujours existé, prennent aujourd’hui, avec internet, les réseaux sociaux et certains médias qui ont les fausses informations comme ligne éditoriale, une ampleur inégalée. Le but est d’affecter la vie politique, car il existe des liens de plus en plus évidents entre la constellation des acteurs de la désinformation et les partis politiques traditionnels qui, pour de multiples raisons, acceptent un usage extrême des « fakes news ».
En exacerbant la vie politique, en la polarisant sur autre chose que le débat d’idées démocratique, les partis politiques cherchent à enfermer les gens dans un carcan informatif chargé d’émotions (l’étonnement, la colère, la réaction épidermique, etc.), afin d’en tirer un avantage électoral, l’électeur n’acceptant plus de se soumettre aux vieilles polarisations idéologiques.
La forme prise par les « fausses informations » doit être la plus populaire possible et, en apparence, la moins politique possible, ce qui explique l’angle d’attaque choisi par « Vice Media » contre Hamed Bakayoko, l’actuel ministre d’État ivoirien , ministre de la Défense, assurant l’intérim du Premier ministre, chef du gouvernement, Hamed Bakayoko.
« Vice Media », un pseudo-media d’information, développe, pour des raisons de survie commerciale et l’appât du gain financier, une ligne éditoriale très agressive en mêlant des fausses informations et des contenus biaisés. Le contenu provocateur permet une propagande politique. On ne mettra pas dans cette constellation des acteurs des « fake news », les médias hyper-partisans, qui conservent une forme de légitimité, leur polarisation idéologique nourrissant un débat politique qui s’inscrit dans un cadre démocratique.
Si aucun parti politique n’a intérêt à propager des « fake news », en revanche, ces mêmes partis politiques traditionnels n’hésitent pas à rémunérer certaines sociétés de marketing politique numérique, très actives sur Facebook, afin qu’elles diffusent de fausses informations. Facebook vient de fermer des centaines de pages visant à peser sur des élections en Afrique, en particulier les pages créées par la société UReputation . De la même manière Facebook a démantelé une opération de désinformation russe en Afrique, quelques jours seulement après un sommet Russie-Afrique organisé à Sotchi, qui a confirmé les ambitions de Poutine sur le continent. Souvenons-nous que la Russie est déjà accusée d’avoir organisé, aux Etats-Unis, en 2016, une campagne anti-Clinton et pro-Trump. On pense bien sûr à la plus célèbre des usines de « trolls », celle du Kremlin. Ces interférences étrangères, que ce soit sur Facebook, Instagram, Watstapp, sont de plus en plus nombreuses. Alors qu’au début du net, il existait surtout des « trolls » indépendants, qui diffusaient délibérément de fausses informations dans les médias, à des fins de provocation ou de divertissement. Aujourd’hui, on ne compte plus les « avatars » qui agissent pour le compte de tel ou tel candidat à la présidentielle. Ce sont des « trolls payés » par des partis politiques ou des entreprises comme « Vice Media » ou « Ureputation » pour écrire de faux articles, de faux « posts » ou de faux commentaires sur des sites d’information, des forums publics. On ajoute l’action des « bots », ces logiciels qui augmentent les clics et visites des contenus sur les réseaux sociaux et dont les techniques d’automatisation dans la distribution des fausses informations permettent de gonfler l’audience de personnalités, d’influencer le discours politique et de manipuler l’opinion publique. Il suffit de regarder le nombre invraisemblable de « followers » et de « like » avancés par certains hommes politiques pour comprendre que nous sommes dans une logique de manipulation de l’opinion publique.
Rechercher le profit pour « Vice Media » ou nuire à tel ou tel candidat ?
L’article de « Vice Media », qui remonte à décembre 2019 , et janvier 2020, réapparaît 4 mois avant l’élection présidentielle. Ce n’est pas un hasard. Le contenu actualisé racoleur, qui ne s’appuie sur aucun fait réel, vise en réalité à attaquer le RHDP et Ouattara en présentant Hamed Bakayoko comme ce qu’il n’est pas.
Un « avatar » de la « Sorosphère », Chris Yapi, avait déjà parlé de l’existence d’une armée secrète entretenue par Hamed Bakayoko, évoquant un commandant qui protège « les opérations illégales et trafics en tous genres d’Hamed Bakayoko », mais aussi « les mafieux libanais et tous les trafiquants de drogue qui sont sous la protection d’Hamed Bakayoko. « Ce commandant assure également « la protection des fumoirs. Cette manne sulfureuse ainsi acquise aide la générosité d’Hamed Bakayoko envers les artistes et autres personnalités publiques.».
Chris Yapi écrit et l’article de « Vice Media » développe les mêmes contenus.
En tentant de mettre gravement en cause sans des preuves indubitables le ministre de la Défense Hamed Bakayoko, les deux journalistes d’investigation s’attaquent certes à une figure politique, mais ils font de la Côte d’Ivoire un véritable « narco-Etat », après la Guinée-Bissau qualifiée de premier narco-État du continent africain. Les trafiquants auraient donc des complices au sein même des États africains !
Le modèle économique de « Vice Media » conduit les dirigeants de cette société à multiplier les papiers racoleurs, les « fake news » et la désinformation, le plus souvent sans véritable ligne idéologique. Le seul motif est l’appât du gain. Selon un spécialiste, ce modèle économique « se fonde sur les revenus publicitaires et des algorithmes conçus pour optimiser le nombre de partages, de likes, de retweets etc.. » « Vice Media » accepte « de diffuser de la désinformation en privilégiant les histoires qui jouent sur l’émotion et les titres sensationnalistes. Le titre même des articles consacrés à Hamed Bakayoko témoignent de cette dérive vers le sensationnalisme : « Comment votre conso de coke fout la merde en Afrique de l’Ouest »
La désinformation voyage indifféremment du champ du pseudo-journalisme d’information au champ politique. Dans quel but ? Au profit de qui ? L’appât du gain ? L’affrontement politique hors du cadre démocratique, là où tous les coups sont permis ?
Christian Gambotti
Agrégé de l’Université
Président du think tank
Afrique & Partage
Directeur des Collections
L’Afrique en Marche,
Planète francophone
Directeur de la rédaction du magazine
Parlements & Pouvoirs Africains