LA CHRONIQUE DU LUNDI de Christian Gambotti URGENCE ABSOLUE :« DESENCLAVER » L’AFRIQUE

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[ PORTS-AEROPORTS-ROUTES ET RESEAUX FERROVIAIRES POUR  UNE INTERCONNECTION ENTRE LES ÉTATS ]

            L’Afrique, aujourd’hui, n’est plus un immense chaos. Les Etats-nations, pourtant encore jeunes, ont su consolider leur identité et faire naître un sentiment national, patriotique. L’urgence a été, et est toujours, pour chaque Chef d’Etat soucieux de préserver la souveraineté de son pays, de consolider politiquement et économiquement l’existence de l’Etat-nation. La réussite est au rendez-vous pour de nombreux pays africains qui connaissent une forte croissance parmi les meilleures du monde. 6 pays du Top 10 africain font partie de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), région qui connaît la plus forte croissance de tout le continent. Outre une bonne santé économique, ces pays ont en commun une certaine stabilité politique. Cette stabilité politique, on la retrouve en Afrique de l’Ouest, où, depuis l’accession au pouvoir d’Adama Barrow en Gambie, tous les Chefs d’Etats ont été élus démocratiquement. Le progrès économique en lien avec la stabilité politique permet d’envisager une plus grande ouverture de l’Afrique sur le monde et le désenclavement des pays qui n’ont pas accès à la mer. Cela passe par le développement des ports et des aéroports et l’interconnection des Etats à l’échelle des sous-régions et du continent par les routes et le réseau ferré. Cette ouverture sur le monde et l’interconnection des Etats permettront d’accélérer le développement de l’Afrique et de consolider sa croissance.

4L’ouverture sur le monde : ports et aéroports

  • Les ports: On parle de l’Afrique comme d’un continent-île. Or, l’Afrique n’étant connectée aux autres continents que par la péninsule du Sinaï, ses échanges internationaux se font par voie maritime à plus de 90 %, avec trois grands bassins océaniques : le bassin méditerranéen, le bassin atlantique et le bassin indien. Le secteur portuaire est certes en plein développement, mais il est encore sous-dimensionné pour accompagner la dynamique économique du continent. Des investissements se font (50 milliards de dollars en Afrique subsaharienne), la croissance annuelle du trafic maritime est de 7 %, le volume des échanges a été multiplié par 4 ces 10 dernières années. Mais, l’Afrique ne représente que 2% du trafic conteneurisé mondial.

L’obstacle à lever, pour la modernisation des ports et leur mise aux normes internationales, est le coût des investissements nécessaires, ce qui nécessite l’intervention du secteur privé, des partenariats public-privé et des mises en concession.

 

  • Les aéroports: l’exemple de l’aéroport d’Abidjan. Alors qu’il est devenu le 3è aéroport d’Afrique de l’Ouestavec une croissance annuelle des trafics de 16 %, certaines de ses infrastructures restent sous-dimensionnées. Les financements apportés par l’Etat pour l’extension de l’aéroport (accueil, circulation et stationnement des avions) et de l’aérogare (accueil des passagers)sont insuffisants. Les soutiens financiers nécessaires viennent de la BOAD, de la BICICI et d’une filiale de l’AFD dédiée au secteur privé, PROPARCO. Après un premier prêt accordé en 2012, PROPARCO vient d’allouer un second crédit, sur 11 ans, de 13 millions d’euros à la société AERIA, concessionnaire de la gestion de l’aéroport international FHB d’Abidjan.

         4 L’inter-connection entre les Etats : routes et voies ferrées

Le président ghanéen, Nana Akufo-Addo, réputé proche d’Alassane Ouattara,constate qu’en Afrique de l’Ouest, l’intégration économique y est moins avancée qu’en Afrique australe ou en Afrique orientale. Or, parce qu’ils ont été élus démocratiquement, les Chefs d’Etats de l’Afrique de l’Ouest ont la capacité d’éviter les crises politiques, comme récemment, entre le Ghana et la Côte d’Ivoire à propos d’un litige frontalier.Nana Akufo-Addo considère alors que le moment est venu de porter des projets communs : « Ce climat politique favorisera nécessairement la progression de notre région vers l’intégration économique. Ce qui nous fait encore défaut, contrairement à l’Afrique australe ou à l’Afrique orientale, c’est la mise en œuvre conjointe de grands projets, notamment sur le plan des infrastructures : un système ferroviaire unifié, des routes connectées… C’est ce développement commun de nos ressources que nous devons maintenant privilégier. » Il ajoute : « l’Afrique de l’Ouest manque de grands projets communs ». (1)
Cette volonté d’interconnection routière et ferroviaire anime l’esprit du TAC (Traité d’Amitié et de Coopération) signé entre la Côte d’Ivoire et la Burkina Faso avec la construction de l’autoroute Yamoussoukro-Ouagadougou et la réhabilitation du chemin de fer Abidjan-Ouagadougou-Kaya et son prolongement jusqu’à Tambao. Les présidents Roch Marc Christian Kaboré et Alassane Ouattara veulent avancer rapidement dans le développement des infrastructures économiques à l’échelle de la sous-région.
L’homme d’affaires algérien, Issad Rebrad, considère que l’urgence est de désenclaver les pays africains. Son rêve : créer un réseau ferroviaire, uniquement réservé au transport des marchandises, qui permettrait de désenclaver les pays africains n’ayant pas d’accès à la mer. Le chemin de fer permet de faire baisser considérablement le coût du fret. Ce projet pharaonique doit être la priorité absolue : construire, uniformiser et interconnecter le réseau ferroviaire en s’appuyant sur le faible réseau existant. Pour ce projet à l’échelle du continent, le rôle de l’Union Africaine est essentiel, car il faut l’accord politique de tous les pays.

            L’avenir de l’Afrique : une vision continentale

Les travaux et les recommandations de l’Union Africaine montrent que les Chefs d’Etats qui ont une vision prospective de l’avenir du continent savent que, pour développer et consolider sa croissance, l’Afrique doit, dans le domaine des infrastructures, mettre en œuvre, de grands projets. Le cadre national n’est pas suffisant : les marchés sont trop étroits et les financements trop lourds. La réalisation des ODD (Objectifs du Développement Durable), adoptés par la communauté internationale en 2015, dépassent la capacité d’intervention de l’Etat, mais aussi des partenaires privés et des établissements financiers locaux. Ces derniers peuvent alors se tourner vers PROPARCO, une filiale de l’AFD dédiée au secteur privé et dont le rôle est d’accompagner et de renforcer la participation des acteurs privés dans le développement de l’Afrique. En Côte d’Ivoire, les exemples de l’aéroport FHB et du port d’Abidjan montrent le rôle essentiel que joue une structure comme PROPARCO dans l’ouverture de l’Afrique sur le monde.

Parce qu’ils facilitent les flux des personnes, des marchandises et des investissements, les infrastructures économiques, – ports et aéroports, routes et réseaux ferrés -, sont au cœur des enjeux africains, que ces enjeux soient nationaux ou internationaux.

Christian Gambotti
Directeur général de l’Institut Choiseul (Paris, Abidjan)
Directeur de la rédaction du magazine Afriki Presse
Directeur de la collection L’Afrique en marche
Editorialiste, politologue.

 

LE FINANCEMENT DES INFRASRUCTURES ECONOMIQUES : LES TRANSPORTS

Quelles sont les infrastructures économiques ? L’alimentation en électricité et en eau, les technologies de l’information et de la communication (TIC) et le transport. Selon la BAD, parce qu’elles ne sont pas à la hauteur des besoins de l’Afrique, les infrastructures existantes coûtent deux points de croissance chaque année et réduisent la productivité d’environ 40 %.             Toujours selon la BAD, le besoin en infrastructures de l’Afrique subsaharienne dépassera les 93 milliards de dollars EU par an au cours des dix prochaines années. Or, moins de la moitié de cette somme est disponible, d’où un déficit de financement de plus de 50 milliards de dollars à combler.

 

            Des investissements lourds pour moderniser les transports

Comment financer les transports quand on connaît l’incapacité des Etats à mobiliser des ressources suffisantes, la faible capacité de financement des entreprises privées et des établissements financiers locaux, il faut faire appel à des partenaires comme la BOAD, la BICICI, l’AFD, la filiale de l’AFD, PROPARCO. Le financement des transports est l’une des priorités de PROPARCO.Pour Iskander Ezzerelli, Chargé d’affaires chez Proparco, « le transport est une précondition du développement. Sans réseau de transport performant, il n’y a pas d’échanges de marchandises, pas de circulation de personnes. » Il faut ajouter : pas d’investissements. A travers la question du transport, c’est le défi du désenclavement des territoires (soit l’hinterland ou arrière-pays, soit le foreland ou zone de desserte à partir d’un port ou d’un aéroport) qu’il faut relever. Si l’on prend l’exemple de la Côte d’Ivoire, on aura donc toute l’étendue de l’arrière-pays, c’est-à-dire la zone en retrait du littoral. Si l’on prend les pays ne disposant pas d’un accès à la mer ou à l’océan, l’Afrique a le taux le plus élevé d’Etats enclavés (32%). Ces Etats doivent consentir, en matière de transport, des efforts importants pour participer aux échanges commerciaux.

 

La BAD

La BAD dispose d’une équipe chargée des transports à la Division du financement des infrastructures. Cette équipe s’occupe du montage, de la structuration et des clôtures financières de tous les projets routiers, portuaires et aéroportuaires. Selon les informations fournies par la BAD, « La Banque a permis de faire aboutir des projets majeurs dans le secteur des transports – à l’instar du terminal à conteneurs de Lomé (Togo), de la route à péage de Lekki (Nigeria) et de celle de Dakar (Sénégal). » La BAD précise : « Datant de la période coloniale, la majeure partie des infrastructures lourdes de transport d’Afrique deviennent désuètes, Aussi, la Banque prévoit-elle la nécessaire modernisation de la majorité des aéroports et des ports hérités de la période coloniale au cours des prochaines décennies. »

L’AFD et PROPARCO

A côté des bailleurs de fonds et des investisseurs privés, l’AFD intervient à travers sa filiale Proparco, dédiée au secteur privé. Depuis près de 40 ans, Proparco intervient, afin de participer au financement et à l’accompagnement d’entreprises et d’établissements financiers en Afrique, comme c’est le cas, en Côte d’Ivoire, lorsque Proparco finance et accompagne Aeria, la société de droit ivoirien, concessionnaire de la gestion de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan. Avec Aeria, Proparco anticipe sur les besoins futurs et les évolutions de l’aéroport FHB.

Les partenariats public-privé (PPP)

            Les partenariats public-privé (PPP) sont apparus ces 15 dernières années en Afrique, afin de pallier l’insuffisance des investissements de l’État. S’ajoute l’insuffisance du service fourni par des entreprises et organismes étatiques. Les PPP sont encore insuffisants en Afrique pour des raisons multiples : instabilité politique, climat des affaires avec l’inadéquation du cadre juridique et réglementaire des PPP, la perception du «  risque pays » chez les investisseurs, le poids limité de l’Afrique dans les échanges commerciaux et l’investissement au plan mondial, la taille réduite du marché et des marchés financiers.

Aujourd’hui, la BAD encourage les pays africains à se doter du cadre juridique et réglementaire adapté aux PPP. De nombreux Etats vont dans ce sens.

Charles Kouassi

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