LA CHRONIQUE DU LUNDI ETHIOPIE, ERYTHREE, RWANDA, GAMBIE : Des pays autrefois faillis qui se reconstruisent sur des priorités absolues que sont la paix aux frontières et la réconciliation nationale

2001

Dernère publication

Guerres aux frontières, guerres civiles, guerres prédatrices, famines : pour des raisons diverses, de nombreux pays, en Afrique, sont restés, pendant des décennies, un immense chaos. Les deux grandes causes ont été les guerres aux frontières et les guerres civiles ayant entraîné, parfois, un génocide. La crise prolongée des économies africaines, que ce soit celle des Etats ou celle des sous-régions, s’explique aujourd’hui encore par la persistance des logiques de guerre, des rivalités ethniques, tribales ou régionales. Depuis la fin de la guerre froide, sur 116 conflits, 7 ont opposé des Etats, 109 se définissent comme des guerres internes, qui recouvrent le plus souvent une réalité politique avec, comme enjeu, la conquête du pouvoir et/ou économique pour le contrôle des richesses. Selon les chiffres de la Commission de l’Union africaine, l’Afrique a connu, entre 1956 et 2001, 186 coups d’État, dont la moitié dans les années 80 et 90. La paix aux frontières et la réconciliation nationale sont donc des conditions nécessaires pour la reconstruction d’un pays. Il faut y ajouter des politiques publiques orientées vers le développement économique et une croissance inclusive. Des dirigeants de pays autrefois faillis s’inscrivent désormais dans des logiques de paix et de coopération économique avec leurs voisins. La paix aux frontières est ainsi devenue une réalité dans la Corne de l’Afrique entre l’Erythrée et l’Ethiopie, en Afrique de l’Ouest entre le Sénégal et la Gambie ; la réconciliation, après la période douloureuse du génocide, est l’un des moteurs du développement spectaculaire du Rwanda qui figure désormais dans le Top 10 des pays les mieux gérés au monde.

La Corne de l’Afrique : la paix entre l’Ethiopie et l’Erythrée

L’Erythrée
Annexée par l’Ethiopie en 1962, l’Erythrée va s’engager dans une guerre d’indépendance qui ne prendra fin qu’en 1991 avec la victoire du mouvement indépendantiste FPLE (Front Populaire de Libération de l’Erythrée), dirigé par l’actuel Président de l’Erythrée, Isaias Afwerti. L’Érythrée accèdera à l’indépendance en 1993. En 1998, une nouvelle guerre éclate entre l’Erythrée et l’Ethiopie ; elle fera 100 000 morts. En 2000, les Accords d’Alger mettent fin à ce nouveau conflit, mais la logique de guerre perdure avec un désaccord sur le tracé de la frontière entre les deux pays. Depuis 2008, un différend territorial oppose aussi l’Érythrée à Djibouti. Le Conseil de sécurité de l’ONU prend alors des sanctions contre l’Erythrée. Depuis 2000, l’Érythrée est toujours dirigée par Isaias Afwerki, dont la dérive autoritaire est dénoncée par l’ONU. L’Erythrée, l’une des nations les plus fermées au monde, est décrite comme une « prison à ciel ouvert ». Isaias Afwerti change soudain d’attitude. En septembre 2018, il signe, en Arabie saoudite, un Accord de Paix avec l’Ethiopie. Le mercredi 14 novembre 2018, le Conseil de Sécurité de l’ONU vote, à l’unanimité, l’annulation des sanctions contre l’Erythrée, saluant ainsi « le réchauffement des relations entre l’Erythrée et l’Ethiopie et la dynamique régionale positive », après deux décennies d’un conflit larvé. Djibouti, de son côté, demande des garanties avant d’aller vers une normalisation complète des relations avec l’Erythrée. Hier, Etat paria, l’Erythrée devient l’un des vecteurs du développement de la Corne de l’Afrique tant ses potentialités économique et géostratégique sont importantes.

L’Ethiopie
L’Ethiopie a connu aussi tous les soubresauts et toutes les tragédies d’un état de guerre permanent depuis la révolution éthiopienne de 1974 avec trois conflits : la guerre érythréenne de sécession, la guerre civile et la guerre de l’Ogaden. En mai 1991, la junte militaire au pouvoir est renversée. Les troubles politiques vont se succéder ; cependant, les élections de 2010 vont se dérouler dans climat apaisé. L’Ethiopie a connu aussi deux graves famines : celle qui a sévi en 1984 et 1985 simultanément dans le pays, l’une au sud et la seconde, plus sévère, au nord ; celle de 2011. Dans l’imaginaire occidental, l’image de l’Ethiopie est associée à celle de la famine e 1984-85 avec la chanson « Éthiopie », écrite par Renaud. Autrefois Etat failli, l’Ethiopie, en pleine reconstruction avec l’aide des Chinois, est décrite de façon positive dans le monde économique et les médias.

Une Corne de l’Afrique apaisée ?
Pour les observateurs, ce réveil diplomatique de la Corne de l’Afrique devrait s’accompagner d’un réveil économique et d’un réveil démocratique qui profiteraient à toute la sous-région, si le climat apaisé se confirme.

La paix entre la Gambie et le Sénégal

Le départ de Yahya Jammeh, en poste depuis 1994, mais qui refusait de quitter le pouvoir après sa défaite à l’élection présidentielle du 1er décembre 2016, et l’installation d’Adama Barrow dans le fauteuil de Président de la Gambie ont mis fin aux tensions qui existaient entre le Sénégal et la Gambie depuis des années. Sous le règne de Yahya Jammeh, la Gambie est resté un pays très pauvre aux perspectives de développement économique et démocratique très limitées. Certes, la Gambie a été une colonie britannique, mais le Sénégal, est son seul voisin. Pour tous les observateurs, le peuple sénégalais et le peuple gambien sont un seul peuple. Entre 1981 et 1989, les deux États vont former une confédération, le Sénégambie, qui prévoit, entre autres, une union économique. L’expérience prend fin en 1989. Aujourd’hui, invitée au Sommet de la Francophonie à Erevan, la Gambie, sous l’impulsion de l’ambassadeur de Gambie en France, entend asseoir son développement économique sur un partenariat privilégié avec le Sénégal et l’espace francophone, tout en restant membre du Commonwealth britannique. Pour Adama Barrow, le climat de paix avec son seul voisin, le Sénégal, doit permettre de surmonter les difficultés de l’économie gambienne.

Le redressement spectaculaire du Rwanda

Tout a été écrit sur le Rwanda depuis le génocide de 1994 jusqu’à son redressement spectaculaire. La réconciliation nationale et le redressement économique sont l’œuvre de Paul Kagame, président de la République depuis le 17 avril 2000,. Paul Kagamé est également Président de l’Union africaine, depuis le 28 janvier 2018, organisation supranationale qu’il entend réformer avec la même détermination qu’il a réformé son pays. Depuis 2014, la croissance du Rwanda est de 7 %, le gouvernement menant une politique volontariste de réduction de la pauvreté et d’inclusion spatiale dans un pays essentiellement rural. Les élections parlementaires se septembre 2013 ont vu 64 % des sièges occupés par des femmes. L’indéniable stabilité politique attire les investisseurs. Le Rwanda, sous l’impulsion de Paul Kagamé, montre que le chaos n’est pas une fatalité en Afrique. La nomination à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a de la Rwandaise Louise Mushikiwabo, le vendredi 12 octobre 2018 à Erevan, en Arménie, vient consacrer le rôle important du Rwanda et de son Président sur la scène internationale.
Ethiopie, Erythrée, Rwanda, Gambie : des pays qui montrent que tout est possible, lorsque s’installent des logiques de paix et de réconciliation. Adama Toungara, nommé Médiateur de la République en Côte d’Ivoire par le Président Ouattara, ne dit-il pas : « Les violences du 13 octobre 2018 rappellent que la paix reste un quête permanente. » Le chaos n’est donc pas une fatalité en Afrique, lorsque des Chefs d’Etats font de la paix aux frontières et de la réconciliation nationale des priorités absolues.

Christian Gambotti
Président du think tank
Afrique & Partage
Directeur général de la société ECFY
Directeur de la Collection
L’Afrique en Marche

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