LA CHRONIQUE DU LUNDI : L’ECONOMIE DIGITALE POUR LES NULS

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Dernère publication

Le digital en Afrique : infrastructures, développement de contenus, formation et capital humain

Culture numérique, mythe ou réalité ?

Première difficulté : doit-on différencier le « numérique » et le « digital » ? L’économie numérique et l’économie digitale ? Si les spécialistes débattent à l’infini d’une prétendue différence, en réalité « économie digitale » et « économie numérique » sont des synonymes.

Deuxième difficulté : une définition exacte de l’économie digitale ou numérique n’existe pas, car cette dernière a) ne se limite pas à un secteur d’activité en particulier b) elle englobe des concepts variés et très différents.

Commençons par une définition

L’ « économie numérique » ou « digitale » désigne les activités économiques et sociales qui passent par des plateformes telles que les réseaux internet, les mobiles. L’activité économique la plus connue est le commerce électronique. Au départ, le concept d’ « économie numérique » désigne l’utilisation des nouvelles Technologies l’Information et de la Communication (TIC).  Aujourd’hui, l’ « économie numérique » désigne toutes les activités qui, dématérialisées, annulent la distance physique et les frontières comme dans le cas d’une plateforme qui réunit toutes les offres dans un domaine. Dirigée par Julien Cangelosi, la société YesWeCange, basée à Abidjan et spécialisée dans l’économie numérique, travaille sur une plateforme qui va réunir toutes les offres du tourisme ivoirien.

L’économie numérique

L’utilisation d’internet, en dématérialisant la distance physique, a permis de créer  et de développer et de nouveaux concepts, de nouvelles idées, de nouveaux contenus, ce qui s’est traduit par l émergence d’une nouvelle génération d’entrepreneurs, de salariés, et le développement de nouveaux marchés avec la transformation, vers plus d’efficacité et de productivité, des modes de production, de distribution, de gestion des stocks, des processus de communication et une modification de la relation avec le client.

a.L’effet macroéconomique de l’économie numérique

En termes de contribution directe, l’économie numérique a un effet macroéconomique lié à l’augmentation de l’investissement productif des entreprises dans les biens corporels et incorporels :

-biens corporels : équipements et matériels numériques ;

-biens incorporels : logiciels utilisés dans le processus de production, de distribution et de communication ; formation des salariés.

Une bonne formation des salariés à l’utilisation du numérique en entreprise augmente leur productivité, notamment grâce à la possible d’automatisation des tâches, qui conduisent à un gain de temps, à une amélioration de processus, à une augmentation des échanges et à une optimisation de l’organisation. Cette réorganisation entraine l’amélioration de la productivité du travail, un déterminant majeur de la croissance économique.

b.La transformation numérique : une nouvelle révolution industrielle?

L’essor de l’économie numérique est associé à une double révolution : une révolution industrielle, qui a des effets positifs sur la croissance des pays, et une révolution culturelle, avec la modification des comportements de l’entreprise, de ses salariés et des clients. On note une transformation du fonctionnement et de l’organisation des entreprises, avec l’amélioration du « business model », des processus de production et de gestion des stocks, la transformation de l’organisation managériale ; transformation aussi du comportement des consommateurs. L’économie numérique, avec la dématérialisation des distances, élimine les barrières à l’entrée sur certains marchés, ce qui se traduit, pour l’entreprise, par de nouvelles opportunités. A l’autre bout de la chaîne, devant son écran, le client accède à toutes les offres (produits, services) dans tous les domaines. La plateforme sénégalaise Wari, désormais présente dans 40 pays, est un exemple parfait d’une offre digitale multiservices.

Le numérique et l’Afrique

La 6ème édition des Assises de la Transformation Digitale en Afrique vient de se tenir, à Paris, au Ministère des Finances et de l’Economie. Ces Assises ont porté sur les 4 domaines-clefs de  l’investissement dans le domaine de l’économie numérique ou digitale en Afrique : les infrastructures, le développement de contenus, la formation et le capital humain. La technologie n’est pas un problème, si les financements existent. En revanche, la révolution numérique, pour exister réellement, suppose une révolution culturelle qui passe par la formation. Le capital humain est la donnée essentielle. Mohamadou Diallo, organisateur des Assises de la Transformation Digitale en Afrique, tient à préciser qu’il faut, à côté des experts locaux, qui existent aujourd’hui en Afrique dans tous les métiers,  «  développer et former « des classes intermédiaires » tels que les techniciens supérieurs. C’est l’un des enjeux majeurs du développement du digital sur les prochaines années. Le deuxième chantier sera de faire en sorte qu’une fois formés, ils restent en Afrique afin de contribuer pleinement à la réalisation des nombreux projets sur le continent. ».

La transformation de l’Afrique passe par le numérique, solution concrète pour réduire les fractures, qu’elles soient dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’assurance, de la « bancarisation », du « paiement électronique », de l’E-citoyenneté, ou que ces fractures soient territoriales ou géographiques. La dématérialisation annule les distances et les frontières. Les jeunes générations sont connectées à la planète entière et à tous les services. Les femmes africaines ne sont pas absentes de cette révolution numérique.

L’Afrique ne doit pas rester dans un rapport de dépendance avec l’Occident ou avec des puissances du Sud comme la Chine, elle ne doit pas être simplement consommatrice, elle doit aussi être productrice de technologies et de contenus. On en revient à l’importance du capital humain. Le Sommet Union Africaine-Union Européenne, qui se tiendra à Abidjan les 29 et 30 novembre prochains, devrait aborder cette question. On sait que la téléphonie mobile se réinvente en Afrique, que des solutions numériques impactent tous les secteurs économiques et sociétaux et transforment durablement l’Afrique.

Des obstacles récurrents

Il existe de nombreux obstacles au développement du numérique africain : un commerce intra-africain qui demeure trop faible (18 % contre 69 % en UE ou 52 % en Asie) ; des infrastructures très en retard ou insuffisantes ; de nombreux pays à moins de 10 % de pénétration internet. Mais, les choses bougent et des plans dédiés au numérique se multiplient (Maroc, Sénégal, Rwanda, Kenya…). Le nombre d’Ivoiriens ayant accès à Internet est passé, entre 2011 et 2015, de 200 000 à 8 millions. Les grands opérateurs du numérique se déploient  sur le continent. L’esprit entrepreneurial qui se développe est imbibé d’un esprit « tech ». L’exemple de la « FinTech », le mariage de la finance et de la téléphonie mobile (160 opérateurs sur le continent), montre la capacité d’adaptation des Africains. Déjà, plus de 70 % des abonnés à la téléphonie mobile accèdent à une connexion internet par ce biais.

Mais, la révolution numérique est avant tout une révolution culturelle.

Christian Gambotti

Directeur général de

l’Institut Choiseul

Directeur de la Collection

L’Afrique en marche

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