Les Samedis de biton : Travailleuses et Commerçantes

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A l’époque du parti unique, sous la présidence du Timonier, Lomé était une destination incontournable de nombreux africains. L’attraction de cette ville venait de sa propreté, de son calme, de sa petite taille, de la sécurité, de ses hôtels. Je peux citer encore une vingtaine d’autres choses qui faisaient courir tout le monde vers cette capitale, la seule au monde, à se trouver à la frontière d’un autre pays. Aflao, la première ville ghanéenne fait face  à la capitale du Togo. A vrai dire ce qui attirait le plus à Lomé était les animatrices du parti uniques. A Lomé, on ne l’image pas aujourd’hui, débordait d’activités politiques. Toutes télévisées et diffusées dans bon nombre de pays africains, particulièrement en Côte d’Ivoire. Tous les reportages montraient des jeunes filles et des jeunes femmes chantant et dansant. La femme restera toujours le premier élément de la publicité. Abidjan-Lomé, c’est tout juste quelques heures par le car. Avec le Ghana-Transport, le territoire ghanéen était parcouru rapidement jusqu’à Aflao. Et voilà Lomé, la coquète. J’y arrive au moment où un débat est engagé à Addis-Ababa pour amener le siège de l’OUA à Lomé. Lomé correspondait à tout ce qu’on avait dit sauf que je ne voyais pas ces fameuses animatrices du parti unique. Dans ce cas il aurait fallu que je participe à des rencontres politiques. Je vais apprendre aussi que la plupart de ces filles sont des servantes occupées à faire le ménage dans les foyers qui les employaient. Je vais comprendre également combien et comment la télévision pouvait « convertir » facilement les gens. Je me demande souvent si le parti unique, sur lequel des intellectuels doivent se pencher, n’avaient pas beaucoup de côtés positifs que négatifs. Mais je vais découvrir à Lomé ce dont je ne m’attendais pas et je n’imaginais  pas. C’était une floraison de commerces dans toute la ville. Très peu de personnes ne faisaient pas un petit commerce devant leur porte. L’ami qui m’a accueilli disait : « Celui qui ne vent rien devant sa porte à une table au marché de Lomé. Les salaires étant maigres seul le commerce peut nous permettre de sortir de l’ornière. » J’étais loin d’imaginer qu’Abidjan, beaucoup d’années, plus tard, sera un autre Lomé. Dans tous les quartiers, même les plus résidentiels, des tables, avec de tout et de rien, sont partout, jouant sur la propreté de la ville. Une frénésie de commerce s’est emparée de nombreuses de femmes. Elles sont dans les bureaux et elles  sont des travailleuses et des fonctionnaires mais  sont devenues, également, des commerçantes. Devant leur maison ce sont des servantes qui tiennent la « boutique ». Au bureau, elles proposent des produits de toutes sortes à leurs collègues, aux visiteurs de passage, aux amis(es) du quartier. Presque toutes les femmes sont en train de devenir des commerçantes en plus de leur travail de fonctionnaire et d’employées dans les entreprises ou des sociétés. Toutes ont le même argument comme il y a trente ans à Lomé.  « Les salaires ne suffisent pas. Les charges sont nombreuses. On ne peut plus compter sur le salaire. Il faut faire quelque chose en plus. » Des femmes, bien diplômées, ne cherchent plus de travail dans un bureau ou dans une administration. Elles ont choisi de vendre. Des draps, des bracelets, des bijoux, des chaussures, etc…Beaucoup se rendent à Dubaï, en Inde, en Chine. La femme ivoirienne attache désormais la ceinture. Elle s’est levée. Les maris ne se plaignent plus et même encouragent leurs épouses à continuer. La jalousie n’est plus de mode. Le gouvernement ne se préoccupe pas du tout de faire appliquer une loi qui interdit aux fonctionnaires de pratiquer un commerce quelconque. De nombreux patrons au sein de l’administration ont des plantations et des champs à la taille industrielle. Si Abidjan devient un Hong-Kong, un Dubaï, le premier gagnant sera l’Etat. Il ne lui reste plus qu’à prendre des dispositions fiscales pour contrôler  ces « commerces clandestins » à travers des taxes. Car ils ces commerces ne  sont qu’à leurs débuts. Ce ne sont pas les salaires qui sont bas mais ce sont les besoins qui deviennent nombreux. Si on veut vivre comme un citoyen américain où les industries créent chaque jour de la nouveauté, les salaires comme les fruits des commerces ne suffiront pas. Plus que jamais dans ce monde de consommation effrénée les citoyens doivent appliquer dans leur vie quotidienne, la modestie et l’humilité. Des personnes parties de rien ont atteint le sommet. Donc c’est tout à fait possible de faire du peu du beaucoup. Pour réussir, il faut absolument aimer ce qu’on fait. Et non le faire pour de l’argent car on va s’éparpiller sans fin. Et rien obtenir de lucratif. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.

Par Isaïe Biton Koulibaly

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