Masa 2020, la comédienne franco-ivoirienne Izabella Maya : “Comment Gohou Michel m’a foutu la honte dans l’avion un jour”

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Depuis huit ans, elle exerce le métier d’actrice de cinéma, d’humoriste et de professeur de théâtre et cinema. Elle tourne dans des séries françaises, des films avec Gérard Depardieu, dont un dans lequel elle incarne l’assistante et la maîtresse du célèbre comédien français. Actuellement, elle tourne dans un film avec Catherine Deneuve. Avant son arrivée en Côte d’Ivoire, pour jouer au MASA du 8 au 13 mars, et pour la première fois dans son pays, l’IA l’a rencontrée à Paris pour un entretien à bâtons rompus.

C’est quoi le film avec Depardieu ?

Le Magicien et les siamois. Et là, avec Catherine Deneuve, le tournage n’est pas encore fini. C’est un film sur le cancer. J’ai également tourné avec Mikael Younn que les gens connaissent plus sous le nom de Fatal Bazooka dans une série. J’ai tourné dans « Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu ».

(…) J’ai beaucoup joué au cinema. J’ai fait du théâtre classique et contemporain aussi. Il y a un an et demi, je me suis dit : « il faut que j’écrive quelque chose que j’aime”. Parce que si, au cinéma, on ne m’appelle pas pour aller tourner, au moins je pourrai jouer ma pièce.


Quelle formation as-tu suivi avant tout ça ?

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Avant tout ça, je bossais dans un cabinet d’avocat. (Rire.) Ça n’a rien à voir.

Maitrise de droit, avocate et puis tu as laissé ça ?

Oui j’ai laissé. En fait, j’ai un double master en droit et en communication.

Pourquoi as-tu laissé tomber ?

Il y en a beaucoup qui le font. Je suis tombée amoureuse d’un autre métier.

Tu fais toujours les deux métiers ou non… ?

Non, pas du tout; c’est trop compliqué de suivre deux lièvres à la fois.


Donc, Izabella Maya est avocate ?

Comédienne. (Rire.) Je suis actrice et humoriste à temps complet désormais.

Pas d’école de comédie, pas d’école de cinéma, de théâtre ?

Mais si, j’en ai fait. C’est important d’ailleurs d’en faire selon moi.

Après le cabinet ?

Après mes études, j’étais en stage dans un cabinet d’avocat et je n’ai pas été jusqu’au bout parce qu’après, j’ai flirté avec le théâtre et le cinéma. Au départ, je ne voulais pas du tout être comédienne. Donc j’ai fait le droit. Pour les parents, pour tout le monde, l’avenir était tout tracé, je devais ainsi aller jusqu’au bout, ouvrir mon cabinet après. Tout était clair ! Mais j’ai des amis qui étaient persuadés qu’il fallait que je sois comédienne. Ils se sont cotisés, ils m’ont offert un stage dans une grande école de théâtre ici, en France, l’une des plus prestigieuses, pour mon anniversaire. Et ils m’ont prévenue juste la veille pour être sûrs que je ne refuse pas. Ainsi, je me suis retrouvée à faire ce stage parce que je suis polie (rire) , parce qu’ils ont dépensé de l’argent. Il s’est avéré que ce stage a changé finalement mon parcours; parce que j’ai eu la chance de tomber sur celui qu’on appelle le maître ici. Il m’a fait aimer ce métier. Il a formé beaucoup de grands acteurs français comme entre autres : Guillaume Canet, Gad Elmaleh, Audrey Tautou… Et moi je ne le connaissais pas. Donc, je n’avais pas besoin de l’impressionner, contrairement aux autres. Peut-être que c’est ça qui a fait ma force. Je ne sais pas, mais il s’est toute de suite intéressé à moi dès qu’il m’a vue pour le premier jour de cours sur scène. Il me faisait travailler beaucoup plus que les autres. Au début, je ne comprenais pas. Je me suis dit « mais qu’est ce qu’il me veut ? Je suis nulle à ce point? ». Certainement, qu’il avait décelé quelque chose en moi et cela l’a incité à me faire travailler plus. Je l’ai compris plus tard. Il était très dur avec moi. Et puis, à la fin de la formation, il m’a dit : « écoute, ça serait bête que tu n’en fasses pas ton métier. Je me fiche de savoir le nombre de diplômes que tu as. Laisses tout tomber et deviens comédienne ».

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Pendant toute la formation, c’est la seule fois où j’ai eu un compliment de sa part. Car j’avais l’impression que ce n’était jamais assez ce que je faisais. J’avais l’impression d’être nulle. Mais à la fin, il m’a fait ce compliment qui m’a fait un bien fou. Pendant longtemps, ça a trotté dans ma tête et puis, après, je me suis dit : « bon, dans la vie, il faut prendre des risques pour ne pas avoir de regrets ». J’ai pris des risques et j’en suis heureuse.

Le stage a duré combien de temps?

Le stage en lui-même a duré une semaine intense. Après, je me suis inscrite pour faire une formation continue là-bas. C’est sur trois ans. La première année, je prenais les cours le soir et j’allais au cabinet la journée. Mais à un moment donné, je ne pouvais pas faire les deux parce que le soir j’étais claquée. Il fallait faire un choix. J’ai pris ce risque de laisser tomber le cabinet et de devenir comédienne. Évidemment, cela a choqué beaucoup de personne dans mon entourage. Les gens se sont demandé ce qui m’a pris. Ma famille a validé le fait que je sois comédienne quand j’ai tourné avec Depardieu. Là, elle a dit que j’étais enfin devenue quelqu’un (rire).

Comment s’est passé le projet pour aller au MASA en Côte d’Ivoire ?

J’ai toujours rêvé de jouer dans mon pays d’origine. L’occasion ne s’est jamais vraiment présentée. J’ai chaque fois eu des propositions, mais cela n’a jamais abouti. Je n’ai pas perdu espoir. J’ai entendu parler du MASA et j’ai postulé. Au début, quand j’ai vu la liste des pièces à fournir, je me suis dit que c’était compliqué, j’ai failli laisser tomber; mais heureusement que je ne l’ai pas fait. J’ai tenté, puis je reçois un mail quelques semaines après dans lequel on me dit que je suis sélectionnée.

Avec séjour, billets d’avion pris en charge ?

Oui, je suis dans la sélection officielle du MASA. Je suis très contente. J’ai besoin de la bénédiction des pairs, des Ivoiriens, même si le spectacle marche ici. Pour moi, c’est important. C’est pour cela que je vais aller jouer en Côte d’Ivoire. Je suis plus stressée que quand je pars en tournée partout ailleurs. Votre bénédiction compte pour moi et m’aidera à avancer encore plus.

En dehors de cette première rencontre au MASA, est-ce qu’il y a déjà des contacts avec des comédiens, des artistes, des humoristes de Côte d’Ivoire ?

Il y en a pas mal que je connais à travers le net et les médias, mais que je ne connais pas personnellement. Zongo et moi, nous nous sommes vus à Paris et il est très sympa et professionnel. Je connais Nastou, Bohiri, Digbeu, Jimmy Danger, maman Cléclé… Après, les jeunes humoristes, il y en a pas mal que je connais de nom.

Et Gohou Michel ?

Gohou et moi, nous nous sommes vus plusieurs fois. Il m’a même chahuté un jour dans l’avion.

Comment ?

Je faisais partie des derniers passagers de l’avion. Je monte, je ne savais pas que Gohou pouvait me reconnaître après nos rencontres au Fespaco et à d’autres évènements. Nous échangeons chaque fois de manière courtoise. Je suis en retard et alors que je cours pour aller à ma place dans l’avion, Gohou me voit et dit : « Donc, c’est à cause de toi que l’avion ne part pas depuis là ? ».

Du coup, les gens commencent à me regarder, se demandant c’est qui celle-là . Je me dis : « Dieu, il m’a foutu la honte » et je vais m’installer à mon siège. Il m’a ensuite demandé où j’étais assise. Et puis après, il est venu causer avec moi, il m’a posé beaucoup de questions sur le boulot et surtout le spectacle. Il m’a ensuite donné des conseils constructifs. C’était cool et sympa de sa part.

Pour terminer, peux-tu revenir sur la scène qui sera jouée au MASA, le message véhiculé et les perspectives après le festival ?

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Je vais jouer mon spectacle
« Origine non contrôlée » qui est un spectacle humoristique et engagé, qui retrace le parcours initiatique et cocasse d’une héroïne qui ne se sent pas concernée par les frontières, et dans lequel on retrouve une palette de personnages hilarants et haut en couleur autour d’un sujet d’actualité qui est l’immigration. Je tenais aussi à parler de mon pays d’origine dans ce spectacle.

J’aimerais faire une tournée africaine, jouer dans des écoles, des entreprises et autres collectivités, afin d’échanger sur le spectacle et son thème sensible et universel.

Je souhaite que la MASA me permette de faire de belles rencontres professionnelles.

J’ai vraiment bossé dur pour écrire ce spectacle et j’espère qu’il plaira aussi aux ivoiriens, comme il plaît aux occidentaux et aux africains de la diaspora.

Propos recueillis à Paris par Charles Kouassi.

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